Un manque à gagner de plus de 950 000 $ : c’est ce qu’il en coûtera pour rendre le transport en commun gratuit dans la région de Montréal demain. Un geste que les participants à la grande marche pour le climat apprécieront certainement, mais qui n’était pas nécessaire.

Le transport en commun sera gratuit « sur les deux rives de Montréal », a annoncé la mairesse de Montréal, Valérie Plante, en début de soirée hier.

On parle ici des quatre réseaux chapeautés par l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), soit la Société de transport de Montréal (STM), la Société de transport de Laval (STL), le Réseau de transport de Longueuil (RTL) et Exo (trains de banlieue et autobus des couronnes).

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le transport en commun sera gratuit dans la région de Montréal, demain, en vue de la marche pour le climat.

Leurs revenus de billetterie pour une journée de semaine d’automne sont évalués à 950 000 $. Offrir le service gratuitement demain occasionnera donc un manque à gagner de près de 1 million de dollars, dont 800 000 $ à la STM. Dans le cas de la société montréalaise, la perte de revenus sera même plus élevée, puisque la STM était assurée d’une affluence supplémentaire ce jour-là, comme c’est généralement le cas lors des grands événements – y compris des événements moins glorieux pour le climat, comme le Grand Prix de Formule 1.

Les 800 000 $ de la STM seront assumés par la Ville de Montréal, et le manque à gagner des autres sociétés de transports par les municipalités qui en sont responsables, donc par leurs contribuables respectifs.

Rappelons que c’est la cheffe de Québec solidaire, Manon Massé, qui a été la première à réclamer la gratuité dans les neuf sociétés de transports des principales agglomérations urbaines de la province.

Bien ciblée, une telle mesure peut effectivement se justifier. La Société de transport de Sherbrooke (STS), par exemple, a décidé de l’offrir pour « favoriser le développement durable et la qualité de vie des citoyens ». Mais ce sera seulement de 12 h à 17 h. Et en raison des ententes conclues depuis longtemps avec des établissements d’enseignement et des employeurs, beaucoup de marcheurs, dont la plupart des étudiants, ont déjà leur carte d’accès. Si jamais perte il y a, celle-ci sera minime.

La gratuité peut aussi être intéressante dans une ville comme Laval, où la société de transport peine à attirer de la clientèle. La STL offre déjà le passage à 1 $ (un rabais de 71 % par rapport au tarif régulier) tous les 20 septembre, ainsi que les journées faisant l’objet d’un avertissement de canicule. Les 30 000 $ qu’il en coûtera à la Ville pour rendre le service gratuit demain peut être considéré comme un autre investissement visant à en faire la promotion.

La situation est tout autre à Montréal. Demandez aux usagers de la STM, en particulier ceux de la ligne orange à l’heure de pointe : s’il y a une chose dont ils n’ont pas besoin avec la capacité actuelle, c’est bien davantage de passagers !

On peut toujours prétendre que la gratuité incitera davantage de Québécois à participer à cette grande marche en faveur de la lutte aux changements climatiques. Mais si leur engagement dépend du prix d’un trajet aller-retour… peut-on vraiment parler d’un engagement ?

Même dans les établissements d’enseignement qui ont suspendu les cours ou déplacé une journée pédagogique, et dans les entreprises qui ont fermé boutique, chacun demeure libre de participer ou non.

L’engagement consiste donc avant tout à sacrifier une journée, de congé ou de salaire, à cette cause. Une fois ce choix fait, se rendre au point de départ en transport en commun plutôt qu’en voiture devient une évidence, ne serait-ce qu’en raison des bouchons anticipés.

Évidemment, tous ceux qui utiliseront le transport collectif demain, que ce soit pour participer à la marche ou non, ne se plaindront pas qu’il soit gratuit. La mairesse Plante, qui est à l’origine de cette initiative, aura l’air bien sympathique.

Et le ministre des Transports François Bonnardel, qui ne sera pas à la marche, et qui a refusé d’assumer les coûts de la gratuité dans les neuf principales sociétés de transports de la province, comme le lui demandait Québec solidaire, aura l’air moins sympathique.

Mais l’essentiel est ailleurs. Oui, les services de transport en commun ont un rôle important à jouer dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et Québec doit les appuyer. Sauf que dépenser 1 million de dollars en une seule journée pour offrir le service gratuitement à des passagers qui l’auraient de toute façon utilisé, et auraient accepté de payer leur trajet, ça ne change rien au problème.

Des fonds supplémentaires, c’est durant les 364 autres jours de l’année que les sociétés de transport en auraient besoin, pour desservir plus de territoires, augmenter la fréquence et étendre les heures de service… Bref, pour financer des mesures qui permettraient à la fois d’attirer de nouveaux usagers et d’améliorer le sort des passagers actuels.

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