Désolé, Andrew Scheer, mais sur le Guide alimentaire, vous êtes dans les patates. S’il y a un aspect que Santé Canada a ignoré dans ce document, ce n’est pas la science, mais la pression des lobbys. Et il était temps !

« J’ai promis une révision pour que toute la science soit considérée », a réitéré le chef du Parti conservateur à l’Expo agricole de Saint-Hyacinthe, mardi.

Andrew Scheer s’était déjà engagé en ce sens à l’assemblée annuelle des Producteurs laitiers du Canada, la semaine dernière à Saskatoon. « Le processus était défectueux, un total manque de consultation », avait-il alors affirmé, en déplorant : « Le travail que vous avez fait comme association pour démontrer la science qui sous-tend vos produits n’a absolument pas été utilisé. »

PHOTO TODD KOROL, ARCHIVES REUTERS

Andrew Scheer au Stampede de Calgary le 7 juillet dernier

On peut trouver que le nouveau Guide s’éparpille dans des sujets qui n’ont rien à voir avec la santé, comme les « pratiques culturelles liées à l’alimentation » ou le gaspillage.

Mais on ne peut pas reprocher à Santé Canada de ne pas avoir assez consulté ou de ne pas avoir tenu compte de la science.

Dans les années qui ont précédé la publication du nouveau Guide, en janvier dernier, Ottawa a organisé deux rondes de consultations publiques, un forum de discussion en ligne, des groupes de discussion et des essais pour tester son matériel.

Le Ministère a aussi étudié les meilleures preuves scientifiques disponibles à deux reprises, en 2015 et en 2018, en se concentrant sur les « examens systématiques de grande qualité effectués par des pairs » et les rapports d’organismes de type gouvernemental et scientifique de pointe.

Les représentants de l’industrie agroalimentaire pouvaient participer aux consultations publiques en ligne. Mais les employés directement impliqués dans l’élaboration du Guide n’ont pas rencontré de représentants de l’industrie ni demandé conseil à des experts ayant bénéficié d’un financement de l’industrie au cours des deux années précédentes, nous a-t-on assuré à Santé Canada. Les rapports commandés « par l’industrie ou une organisation ayant un intérêt commercial » ont aussi été exclus de l’examen des données probantes.

« Il était important de veiller à ce que l’élaboration de recommandations alimentaires soit exempte de conflits d’intérêts », explique le Ministère sur son site web.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

La nouvelle mouture du Guide alimentaire canadien

Il faut dire que le Guide souffrait d’un sérieux déficit de crédibilité. Des représentants de l’industrie alimentaire avaient été étroitement associés aux précédentes éditions et certains secteurs avaient obtenu que leurs produits soient présentés sous un jour beaucoup plus favorable.

N’ayant plus à tenir compte des groupes d’intérêts, Santé Canada a pondu un document qui, sans être révolutionnaire, présente des changements notables.

Le groupe « viandes et substituts » a été rebaptisé « aliments protéinés » et l’un des quatre groupes, « lait et substituts », a carrément disparu.

Les produits laitiers n’ont cependant pas disparu des recommandations. Au contraire, ils figurent en bonne place dans les deux premières lignes directrices. Le lait, les yogourts, le kéfir et les fromages plus faibles en matières grasses et en sodium sont cités en exemples d’aliments protéinés « de haute valeur nutritive [qui] sont les fondements de la saine alimentation ».

Le lait non sucré est aussi l’une des trois boissons que le Guide recommande pour remplacer les boissons sucrées.

Bref, le nouveau Guide n’a pas mis les produits laitiers à l’index ; il leur a seulement donné moins de visibilité. Ce n’est pas un déficit de science, mais de marketing.

Un Andrew Scheer premier ministre obligerait-il Santé Canada à réviser sa copie en incluant les études et les spécialistes financés par l’industrie ?

S’il le fait pour les produits laitiers, il devra le faire pour tous les types d’aliments. Le Ministère a mis plus de cinq ans à démontrer aux experts et au grand public que son nouveau guide serait réellement indépendant. Et un gouvernement conservateur reviendrait là-dessus ? Bonjour la crédibilité !

Rappelons que si Andrew Scheer a gagné la course à la direction de son parti contre Maxime Bernier, c’est beaucoup grâce à son engagement en faveur de la gestion de l’offre, qui lui a valu un solide appui des producteurs laitiers du Québec.

Qu’il veuille leur montrer qu’il ne les a pas oubliés, on peut le comprendre. Mais il y a sûrement d’autres moyens de le faire qu’en politisant le Guide alimentaire canadien (le guide alimentaire !) et en racontant des faussetés sur sa conception.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion