Pour Bombardier, c’est réglé. La vente de son programme de jets régionaux CRJ à la japonaise Mitsubishi lui permet de clore le chapitre de l’aviation commerciale. Pour l’aérospatiale québécoise, par contre, la suite reste à écrire. Comment susciter l’émergence, ici, de nouveaux géants d’envergure internationale ?

« Ce n’est pas triste, c’était clair », a déclaré le grand patron de Bombardier, Alain Bellemare, en conférence de presse à Mirabel.

Les transactions se suivent, mais ne se ressemblent pas.

Autant la cession de la C Series à Airbus avait été un crève-cœur en 2017, autant le rachat du CRJ par Mitsubishi Heavy Industries semblait aller de soi hier matin.

Il faut dire qu’il s’agissait d’une confirmation plus que d’une nouvelle.

La vente du programme Q400, l’automne dernier, avait ouvert la porte à celle du CRJ et la société japonaise avait admis son intérêt il y a quelques semaines.

Et contrairement à la C Series, ce bel avion novateur développé à grands frais que Bombardier n’aura malheureusement jamais réussi à commercialiser, le CRJ avait fait son temps. La vache à lait d’hier était devenue déficitaire ; la conserver n’y aurait rien changé.

Mitsubishi n’essaiera même pas de vendre d’autres appareils, se contentant de livrer ceux déjà commandés. Ce qui a de la valeur à ses yeux, ce sont les activités de maintenance, de soutien et de remise à niveau ainsi que celles de marketing et de vente, qu’elle entend mettre au service de ses propres appareils régionaux, les M90 et M100, qui restent encore à certifier.

Quant aux quelque 380 employés liés au CRJ jusqu’à la fin du programme, ils ont de bonnes chances de se replacer au sein de la famille étendue de Bombardier, soit du côté de ses avions d’affaires, soit avec son partenaire Airbus.

La valeur de la main-d’œuvre de Bombardier ne fait pas de doute. La valeur de l’ensemble du secteur non plus. « Nous avons probablement la grappe aérospatiale la plus intéressante qui existe, plus diversifiée encore qu’à Seattle et à Toulouse », estime même Karl Moore, professeur à la faculté de gestion de l’Université McGill et spécialiste du domaine.

Le délestage des avions commerciaux a attiré des multinationales comme Airbus et Mitsubishi, qui s’ajoutent à d’autres grands noms bien établis comme CAE ou Pratt & Whitney. Et Bombardier, même après son recentrage sur les jets d’affaires, emploiera encore des milliers de Québécois dans l’aérospatiale.

Bref, il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour la solidité de l’industrie. Par contre, il est urgent de s’interroger sur sa capacité à se régénérer.

D’où viendront les prochains programmes d’envergure internationale comme le CRJ ?

« Appuyé sur une fondation aussi solide, on ne peut pas seulement demeurer un manufacturier. Il faut être capable de faire plus, on a l’expertise pour faire des choses novatrices », convient le ministre québécois de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, en évoquant les drones, les satellites, l’intelligence artificielle et la nécessité d’une politique nationale.

Avis aux partis fédéraux qui seront bientôt en campagne électorale : ce n’est pas parce que l’aérospatiale va bien qu’on peut se permettre de la tenir pour acquise. Les leaders d’industrie mettent du temps à se développer et à émerger, c’est maintenant qu’il faut y penser. Qu’avez-vous à proposer ?

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