Les coûteux traitements de fécondation in vitro (FIV) seront à nouveau couverts par l’État dès l’an prochain, vient d’annoncer la ministre de la Santé, Danielle McCann. À quel prix et pour qui ? C’est l’équilibre délicat que le gouvernement Legault devra trouver, sans quoi son programme risque de lui valoir plus d’insatisfaction que de reconnaissance.

L’infertilité est un enjeu lourd d’émotions. Et c’est sur ce terrain, hélas, que le débat sur les traitements à couvrir a trop souvent été confiné.

Il est donc heureux que la ministre ait abordé le dossier de façon posée, en promettant de s’inspirer des recommandations du Collège des médecins et de l’ex-Commissaire à la santé, et de se doter d’un nouveau comité d’experts.

On en sait peu sur ce nouveau comité, qui sera mandaté pour trois ans, sinon sa composition générale : des médecins (obstétriciens, gynécologues, pédiatre), un éthicien, des représentants du ministère de la Santé, un « patient partenaire ». La première réunion étant prévue le mois prochain, il sera important que la ministre annonce la couleur d’ici là. Qui sont les membres ? Quel sera leur mandat ? Et surtout, quel poids auront leurs recommandations dans les décisions du gouvernement ?

Les positions de l’ex-Commissaire et du Collège, par contre, sont connues. Aucun des deux n’avait demandé d’éliminer toute couverture publique. Le premier, bien que très critique envers le système débridé mis en place par le gouvernement Charest en 2010, avait néanmoins recommandé de maintenir un programme de procréation assistée, à condition d’y effectuer des changements majeurs. Et le second avait refusé de se prononcer sur le financement public, estimant que c’était la prérogative du gouvernement. Mais que les services soient couverts ou non, l’ordre demandait à être responsable des normes de bonne pratique. C’est effectivement souhaitable. L’accès aux traitements visant à pallier l’infertilité est un sujet très sensible. Pour maintenir la confiance des patients et du public, il est important que les décisions soient guidées par un cadre aussi neutre que possible, fondé sur l’état des connaissances dans le domaine.

Reste à voir si la proposition de la ministre réussira à satisfaire les attentes.

Entre régime sec et bar ouvert

L’annonce du projet a été accueillie très positivement la semaine dernière, tant par des citoyens concernés que par une association comme Infertilité Québec.

De fait, du point de vue des Québécois qui ont besoin de la FIV pour espérer concevoir un enfant, et qui n’ont pas les moyens de la payer de leur poche, c’est déjà plus encourageant que le régime sec en vigueur depuis 2015.

Le crédit d’impôt qui a remplacé la gratuité est en effet très restrictif. Si un seul des deux conjoints a déjà un enfant, biologique ou adopté, même d’une précédente union, le couple n’y a pas droit. Et si ceux qui disposent d’un revenu familial modeste (moins de 51 338 $ pour un couple, moins de 25 670 $ pour une personne seule) peuvent récupérer 80 % de la somme, le taux de remboursement chute très rapidement. Dès que le revenu familial dépasse 123 208 $ (61 604 $ pour une personne seule), il n’est plus que de 20 %. Et le crédit ne peut être réclamé qu’une fois. Pas étonnant que des couples se tournent vers des sites de financement participatif comme GoFundMe pour tenter de récolter les milliers de dollars qui leur manquent !

Comparé au programme public en vigueur de 2010 à 2015, c’est le jour et la nuit. Québec couvrait trois essais et, contrairement à d’autres États, n’appliquait pratiquement aucun critère d’exclusion. Résultat, la facture n’a cessé de grimper d’année en année. À la fin, elle frisait les 70 millions de dollars par an. Dans notre système de santé où de nombreux malades sont laissés en plan, ce dérapage a suscité une vive indignation, à juste titre.

Ce programme, que nous avons rapidement qualifié de bar ouvert, était irresponsable. Y a-t-il moyen de faire mieux, et de trouver un juste milieu entre tout et rien ?

Cette question ne s’adresse pas seulement au gouvernement, mais à tous les Québécois qui désirent avoir accès à ce service.

Dans l’état actuel des choses, tous conviendront qu’un premier traitement offert par le système public serait un grand progrès. Mais une fois qu’un tel programme sera bien établi, donc tenu pour acquis ? Une fois que plusieurs femmes y auront eu recours sans succès, et se feront dire que dans leur condition, d’autres essais seraient indiqués ? Cette couverture publique sera-t-elle encore considérée comme un bel effort, ou dénoncée comme insuffisante, voire insensible ?

Québec pourrait-il décider, comme l’Ontario, de couvrir un seul cycle de FIV par patiente, et que ce soit vu comme un geste positif, et non un motif d’insatisfaction ?

Ces questions, le gouvernement Legault doit se les poser dès maintenant, et y apporter des réponses fermes. Le programme de 2010 avait été conçu à la va-vite et lancé à l’aveuglette. On a vu tous les problèmes qui en ont découlé. La FIV est trop coûteuse et trop empreinte d’émotivité pour que l’État se lance là-dedans sans avoir mûrement réfléchi.

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