Québec et Ottawa ont tellement négligé leurs lois censées garantir l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels qu'elles ne jouent plus leur rôle. Et cette négligence n'est pas neutre : elle nuit aux citoyens. Parler de transparence ne suffit plus, il faut passer aux actes.

Loi d'accès utilisée comme un bouclier contre la transparence ; progrès lents, voire inexistants : les commissaires responsables de l'accès aux documents publics et de la protection de la vie privée ont beau multiplier les sorties, rien n'y fait.

Après avoir promis «le premier gouvernement véritablement ouvert et transparent» en 2014, l'administration Couillard a attendu à la fin de son mandat pour s'exécuter. Résultat : un projet de loi insuffisant et trop tardif pour être adopté avant les élections. Nous en sommes là.

Pendant ce temps à Ottawa... c'est un peu mieux. Le projet de loi C-58 de l'administration Trudeau vient d'atterrir au Sénat après avoir été adopté aux Communes, mais l'heure n'est pas aux applaudissements. Après une première mouture dénoncée de toutes parts l'an dernier, les libéraux ont apporté des amendements, mais on est encore loin de la détermination promise dans leur programme électoral. Par exemple, même si la commissaire à l'information pourra ordonner que des documents gouvernementaux soient relâchés, les ministères et les agences disposent de multiples échappatoires pour ne pas fournir toute l'information demandée par un citoyen ou un média.

Les audiences reprennent cette semaine au Sénat. Le comité des affaires juridiques et constitutionnelles entendra notamment les commissaires à l'information et à la protection de la vie privée. Il faudra voir ce qu'ils proposent et jusqu'où le gouvernement est prêt à en tenir compte.

Pour l'instant, hélas, il s'en remet surtout à la révision de la loi, prévue un an après son adoption... donc après les élections. Pelleter par en avant sans qu'on sache qui reprendra la pelle? Non merci!

On n'a pas attendu le renforcement de cette loi sur l'accès à l'information durant plus de 30 ans pour que ce soit fait à moitié.

Ce n'est guère plus reluisant du côté de la protection des renseignements personnels. Oui, les entreprises ayant subi une fuite de données préjudiciable à leurs usagers seront enfin obligées de les prévenir - cette modification fédérale entre en vigueur le mois prochain. Mais à Ottawa comme à Québec, les lois restent, dans l'ensemble, largement désuètes, laissant les citoyens à la merci des changements technologiques. S'assurer que leurs données ne soient pas utilisées à des fins contraires aux intérêts des individus est un défi grandissant qui va encore s'accentuer avec l'intelligence artificielle.

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À Québec, la balle est désormais dans le camp de la Coalition avenir Québec, qu'on n'a pas entendue là-dessus durant la campagne.

«Les Québécois s'attendent à ce que leur gouvernement soit transparent et ouvert. Nous agirons en ce sens», nous a-t-on dit au parti.

La CAQ a vu les limites de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels lorsqu'elle était dans l'opposition. C'est en ces termes qu'un gouvernement devrait réfléchir à cet enjeu : non pas comme un parti prêt à tout pour se maintenir au pouvoir, mais comme celui qui pourrait se retrouver dans l'opposition dès le prochain scrutin. Ça lui garderait l'intérêt public en tête. La population a besoin d'une information juste et complète pour participer à la démocratie - information dont elle a, rappelons-le, financé chaque phrase, chaque page, chaque mégaoctet... à commencer par le salaire du ministre qui en a passé la commande.

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