Les commerces en ligne étrangers devront percevoir la taxe de vente provinciale lorsqu'ils vendent leurs produits au Québec, a promis Philippe Couillard dimanche dernier. Une initiative louable, qui vise à redonner des conditions équitables aux commerçants d'ici. Reste à voir dans quelle mesure les marchands étrangers accepteront d'y collaborer.

Pour les convaincre, le premier ministre mise sur un projet pilote annoncé au printemps dernier par son gouvernement. Ce test sera mené au centre de traitement du courrier international de Postes Canada à Saint-Laurent. Le but est de s'assurer que la taxe de vente du Québec (TVQ) est bel et bien ajoutée aux achats effectués à l'étranger.

Les colis sur lesquels la taxe n'aura pas été facturée au moment de la transaction seront donc interceptés et les destinataires devront payer la note pour les récupérer. Cela se fait déjà, mais les consommateurs qui achètent souvent en ligne peuvent en témoigner : il n'est pas rare que des paquets échappent aux taxes et aux droits de douane applicables.

Plus de 90 % des achats en ligne effectués à l'étranger ne sont pas soumis à la TVQ, une perte de près de 160 millions par an pour le Québec, a d'ailleurs estimé le ministère des Finances.

Mais quel sera l'impact de cette offensive sur Postes Canada ? Combien de colis supplémentaires s'accumuleront dans ses locaux et dans ceux de ses franchisés ?

La société d'État, malheureusement, a refusé de répondre à nos questions.

On sait toutefois que c'est elle qui gère le plus de colis au Canada, que ce volume augmente constamment, et qu'une part non négligeable de ce qui arrive de l'extérieur passe sous le radar des services frontaliers. Les taxes de vente ont été perçues sur seulement le quart des achats étrangers traités par Postes Canada, a constaté la firme Copenhagen Economics dans le cadre d'une expérience menée pour le compte de UPS à la fin de 2016.

L'efficacité sera déterminante, car au-delà de la récupération, le premier ministre mise sur la dissuasion. Il espère qu'en resserrant les mailles du filet, les commerçants en ligne comprendront le message et prélèveront eux-mêmes la taxe au moment de l'achat afin d'éviter que leurs colis soient systématiquement retardés.

On veut ainsi appliquer la même recette qu'aux fournisseurs de services numériques, comme Netflix, qui ont l'obligation de s'inscrire auprès de Revenu Québec d'ici le 1er janvier, et aux commerçants du reste du Canada qui, eux, ont jusqu'en septembre prochain pour s'exécuter. Le défi, toutefois, n'a aucune commune mesure. En effet, à peine plus de 15 % des achats effectués dans d'autres provinces ne sont pas taxés, estime Revenu Québec. 

Pour récupérer les 90 % de taxes qui nous échappent dans le monde entier, par contre, il faudra ratisser très large.

Oui, la majorité des achats à l'étranger sont faits sur des sites américains, le tiers des cyberconsommateurs québécois ont acheté au moins une fois chez Amazon l'an dernier. Sauf que le géant du commerce internet n'est pas monolithique. Une partie seulement des produits vendus sur son site sortent de ses entrepôts ; le reste provient d'une myriade de commerçants indépendants qu'il faudra convaincre un à un. Sans oublier tous les autres qui ne font pas partie de l'écosystème Amazon.

Une décision récente de la Cour suprême des États-Unis, qui permet à un État américain d'exiger qu'un site d'un autre État perçoive sa taxe de vente, rendra la pratique plus familière. Mais trouveront-ils que le petit et lointain marché du Québec en vaut la peine ? Ça reste à voir. Les employés de Revenu Québec n'ont pas encore commencé à travailler au centre de Postes Canada, et les marchands auront au moins jusqu'en 2020 pour s'enregistrer.

Les libéraux ne sont pas les seuls. Le chef du PQ, Jean-François Lisée, a aussi promis de taxer toutes les ventes en ligne. Et Québec solidaire avait déjà présenté un projet de loi à cet effet l'an dernier.

Une telle promesse d'aller chercher quelques dollars de plus dans les poches des consommateurs aurait été impensable il y a quelques années encore. Est-ce la vue de tant de locaux vacants ? Ou l'entêtement absurde du gouvernement Trudeau à exempter l'américaine Netflix de la TPS ?

S'assurer que la TVQ s'applique à tous les achats livrés ici ne sera pas une mince tâche, en particulier avant les Fêtes alors que les colis se mettent à débouler. Mais si le Québec réussit, ça ne passera pas inaperçu : la TPS et les droits de douane seront récoltés en même temps.

Or, Postes Canada possède seulement deux autres centres de traitement de colis internationaux, à Toronto et à Vancouver. Si l'expérience montréalaise prouve qu'il y a beaucoup d'argent fédéral à récupérer, le fédéral pourra difficilement rester les bras croisés en prétextant qu'il ne veut pas taxer davantage la classe moyenne.

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