Malhonnêteté, vol de tirelire, traités abusifs envers les États-Unis : Donald Trump a multiplié les invectives contre le Canada et les autres membres du G7 au cours des derniers jours. Mais derrière ces déclarations spectaculaires, il y a des vérités moins glorieuses que le président américain se garde bien de reconnaître. En voici quelques-unes.

1) Washington était déjà assuré de faire des gains dans le secteur laitier

Non, ce n'est pas parce que le président Trump tempête sur Twitter depuis la semaine dernière, allant jusqu'à affirmer le plus sérieusement du monde que le Canada est en train de «tuer» l'agriculture américaine. Mais à partir du moment où le Canada a fait des concessions sur la gestion de l'offre pour pouvoir signer l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne ainsi que le Partenariat transpacifique, il était évident qu'il devrait en faire aussi dans le cadre de la réouverture de l'ALENA.

Un négociateur avisé aurait gardé cette victoire facile en réserve pour pouvoir s'en attribuer le mérite au moment opportun. En choisissant plutôt de faire un maximum de bruit avec cet enjeu, le président américain a mis le gouvernement Trudeau dans une position impossible : comment annoncer un accord avec une telle concession sans paraître céder à l'intimidation? Il va falloir attendre que la poussière retombe.

2) Le président a bousillé sa stratégie favorite

Souffler le chaud et le froid peut être efficace pour déstabiliser l'adversaire, mais pour que votre jet glacé le saisisse et le prenne au dépourvu, il faut d'abord l'engourdir d'une douce chaleur. En jouant le chef d'État docile et doux au sommet du G7 pour faire volte-face peu de temps après*, le président américain s'est aliéné tous ceux qui, croyant que le gros bon sens finirait par l'emporter, reprenaient espoir lorsque ses propos devenaient plus conciliants. La seule certitude, désormais, c'est qu'on ne peut se fier à rien de ce qu'il dit. Ça fait plus d'une semaine que son entourage et lui répètent que les États-Unis ne se retireront pas de l'ALENA. On verra.

* Oui, c'est exactement ce que Donald Trump a reproché à Justin Trudeau et non, la ressemblance n'est pas fortuite.

3) L'offensive canadienne à Washington dérange

On ne le dirait pas au rythme où le président Trump multiplie les attaques protectionnistes sans se soucier des contrecoups sur les entreprises et les travailleurs américains, mais il y a des signes qui ne trompent pas. Les commentaires d'un de ses conseillers à Fox News dimanche, par exemple. «Si les Canadiens passaient plus de temps à la table de négociation et moins de temps à faire du lobby au Capitole, auprès de notre presse et de nos gouvernements d'État, nous aurions déjà un magnifique accord de l'ALENA», a glissé Peter Navarro avec une pointe d'exaspération dans la voix. Touché!

D'autant que les efforts du Canada s'ajoutent aux voix américaines, de plus en plus nombreuses, qui dénoncent les tarifs douaniers injustifiés et les représailles qu'ils attirent. On en a eu un autre exemple la semaine dernière avec le projet de loi du sénateur républicain Bob Corker, demandant que les tarifs sous prétexte de sécurité nationale soient d'abord soumis à l'approbation du Congrès. Il s'agit de la réplique la plus musclée du Congrès contre le protectionnisme du président, signale le Washington Post.

4) La Maison-Blanche s'est tiré dans le pied avec la sécurité nationale

Le président Trump et son secrétaire au Commerce se sont sans doute trouvés très malins d'avoir pensé à invoquer la sécurité nationale pour pouvoir imposer des tarifs douaniers sur l'aluminium et l'acier. Mais ce faisant, ils ont oublié un détail : à l'extérieur de la Maison-Blanche, les mots ont encore un sens. En affirmant que des alliés de longue date comme le Canada, l'Union européenne et le Japon, constituent une menace à la sécurité nationale des États-Unis, l'administration Trump ne les a pas seulement insultés : elle leur a donné la légitimité de le crier sur les toits et d'adopter des mesures de représailles. Beau travail!

5) Le consommateur américain paiera la note

En posant son pays en victime de ses méchants partenaires commerciaux, qui fabriquent et vendent leurs produits à des prix que les entreprises américaines sont incapables de concurrencer, le président oublie un peu vite comment les États-Unis en sont arrivés là : pour pouvoir vendre le moins cher possible aux consommateurs. On a vu que les tarifs sur le bois d'oeuvre ont fait grimper le prix des maisons neuves aux États-Unis. Les manufacturiers américains qui achètent de l'acier et de l'aluminium sont aussi aux prises avec des hausses de prix, confirme le président du National Foreign Trade Council, qui représente environ 45 associations du secteur. Et si la menace de tarifs sur les importations automobiles devait se concrétiser, il ne s'agirait plus d'un effet indirect, mais d'une taxe directe sur les consommateurs, souligne Rufus Yerxa.

Si jamais Donald Trump réussit à aller au bout de sa logique protectionniste, il pourra se vanter d'avoir forcé les Américains à faire ce à quoi la majorité d'entre eux se sont toujours refusés : payer plus cher pour le «fabriqué aux États-Unis».

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