Le passage tant attendu du président et fondateur de Facebook devant les parlementaires européens s'est finalement révélé assez décevant, mardi. Cependant, ce n'est que partie remise. Le réseau social est loin d'en avoir fini avec la réglementation européenne.

«En termes de réglementation, nous sommes ici, et les États-Unis sont là», a illustré, en écartant les bras de plus d'un demi-mètre, le président de la Commission des libertés civiles en interpellant Mark Zuckerberg. «Vous n'êtes pas devant le Congrès américain, mais devant l'Union européenne, et nous avons des attentes», a prévenu Claude Moraes.

Peine perdue. Malgré les questions très critiques des présidents des groupes parlementaires européens, le grand patron de Facebook ne s'est pas engagé au-delà de ce qu'il avait déjà dit devant le Sénat et la Chambre des représentants, et que son entreprise a précisé par la suite.

Il faut dire que le format de l'audience lui a facilité la tâche. Les questions regroupées au début ayant grugé la moitié du temps, l'Américain a couvert ce qu'il voulait bien. La rencontre, qui avait démarré avec des sourires et des poignées de main, s'est terminée dans un concert de protestations, de nombreux députés se plaignant que leurs demandes avaient été ignorées. Mark Zuckerberg a promis des réponses écrites, mais ça demeurera un exercice de communication.

Le vrai test viendra au cours des prochains mois. Même si Facebook dit être fin prête pour l'entrée en vigueur, vendredi, du nouveau Règlement général sur la protection des données (RGPD), les autorités européennes l'auront à l'oeil. Car ce règlement, qui donne aux consommateurs plus de contrôle sur leurs données, est aussi un test pour l'UE. Sans aller jusqu'aux pénalités maximales (20 millions d'euros ou 4% du chiffre d'affaires mondial), les autorités devront montrer qu'elles appliquent la loi. Une grosse prise comme Facebook ou Google ferait un bien meilleur exemple que des entreprises de moindre envergure, même si celles-ci seraient peut-être plus faciles à prendre en défaut.

Facebook pourrait aussi faire l'objet d'un examen en regard des politiques de concurrence. Au moins deux parlementaires ont mis son président au défi de prouver qu'il n'était pas à la tête d'un monopole. Celui-ci a eu beau faire valoir que Facebook était concurrencée de partout, et que ses outils aidaient les petites entreprises à concurrencer les grandes, il n'a pas réussi à remettre le couvercle sur cette marmite.

Les efforts du réseau social en matière de protection des renseignements personnels ne peuvent pas faire oublier l'autre facteur à l'origine du désastre Cambridge Analytica : sa taille gigantesque. Trop? La question commence à se poser, y compris aux États-Unis.

Une coalition baptisée Freedom from Facebook demande à la Federal Trade Commission d'obliger le géant à se départir de ses services Instagram, WhatsApp et Messenger. Google, dont l'emprise publicitaire est beaucoup plus grande que celle de Facebook, commence aussi à faire l'objet de sérieuses remises en question. Un service comme Yelp serait impossible à lancer aujourd'hui avec Google, a déclaré récemment le président et fondateur de la plateforme à l'émission 60 Minutes. Mais à part la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, qui a déjà infligé des amendes considérables à Google et à Facebook, on ne voit personne qui soit prêt à se mettre le nez là-dedans. Pourquoi?

La protection des renseignements personnels et le maintien d'un environnement concurrentiel favorable au développement de nouvelles entreprises concernent tous les États. Hélas, seule l'Union européenne semble disposée à se retrousser les manches. Le mieux qu'on puisse espérer, c'est que les précédents établis en Europe incitent les entreprises à améliorer leurs pratiques ailleurs dans le monde. Mais il ne faut pas trop compter là-dessus...

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