L'action collective qui vient d'être autorisée contre Air Canada est une lueur d'espoir pour les ex-travailleurs de maintenance d'Aveos. Mais cette cause nous rappelle aussi à quel point les gouvernements, eux, ont fermé les yeux et passé l'éponge sur les obligations du transporteur.

Le fédéral a beau avoir assoupli sa loi sur Air Canada il y a deux ans, le non-respect des obligations antérieures de l'entreprise continue à la hanter.

L'action collective à laquelle la Cour supérieure vient de donner le feu vert pourrait coûter des millions de dollars au transporteur.

La poursuite réclame des indemnités, ainsi que des dommages moraux et punitifs pour les travailleurs, syndiqués ou non, qui étaient auparavant à l'emploi d'Air Canada et ont été lésés par la fermeture des centres de maintenance d'Aveos à Montréal, Winnipeg et Mississauga.

La faillite d'Aveos leur a non seulement fait perdre leurs avantages sociaux et des revenus d'emploi, mais un poste lucratif qu'ils n'ont pas nécessairement réussi à remplacer. Le mécanicien qui représente le recours, Gilbert McMullen, gagne 12 000 $ de moins qu'auparavant, affirme la requête.

Les préjudices allégués, de même que la faute et la responsabilité du transporteur, restent à démontrer en cour. Air Canada indique qu'elle ne fera aucun commentaire sur ce dossier qui est devant les tribunaux. Le procès ne devrait pas débuter pas avant deux ans.

La cause ne part toutefois pas de zéro.

La Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada de 1988 mentionnait clairement « des dispositions l'obligeant à maintenir les centres d'entretien et de révision dans les villes de Winnipeg et Mississauga et dans la Communauté urbaine de Montréal ».

Et les tribunaux québécois l'ont confirmé à deux reprises : en ne maintenant pas de centres pour effectuer la révision de ses appareils sur l'ex-territoire de la CUM, Air Canada a contrevenu à cette loi fédérale*.

Malheureusement, les gouvernements qui se sont succédé à Ottawa, eux, n'ont jamais amené le transporteur en cour pour le forcer à respecter ces obligations.

Et Québec, après avoir entrepris des démarches en Cour suprême, a abandonné le dossier en février 2016, lorsqu'Air Canada a commandé des C Series de Bombardier et s'est engagé à faire réviser et entretenir ces appareils au Québec durant 20 ans.

Pour la C Series, alors en pleine traversée du désert, la commande du transporteur avait été accueillie comme une bouffée d'air frais. Parmi les ex-employés montréalais d'Aveos, par contre, plusieurs ont eu la désagréable impression d'avoir été utilisés comme monnaie d'échange.

Depuis, Québec a accordé 100 000 $ pour l'étude de faisabilité de Pro-Maintenance Aviation, un ambitieux projet de centre international qui serait situé à Longueuil. La disparition des 1800 emplois montréalais d'Aveos, et de centaines d'autres à Winnipeg et à Mississauga, n'en laisse pas moins un goût amer.

« Aucun centre ne perdra de son importance », avait déclaré, à la Chambre des communes en 1988, le vice-premier ministre conservateur Don Mazankowski, avec la même assurance que démontre aujourd'hui le gouvernement Couillard à l'égard des emplois de la C Series. Nous ne doutons pas de la sincérité et de la conviction de ces élus. Mais ils ne peuvent garantir que leurs successeurs verront les choses du même oeil.

* L'action collective s'arrête en juin 2016, moment où le gouvernement Trudeau a modifié la loi pour alléger les obligations géographiques du transporteur.

Combien de temps dure une garantie?

1988

Adoption de la Loi fédérale encadrant la transformation de la société d'État Air Canada en entreprise privée. Elle oblige notamment le transporteur à maintenir ses centres d'entretien et de révision dans la Communauté urbaine de Montréal, à Winnipeg et à Mississauga.

2007

Air Canada annonce la cession de ses activités de maintenance à une nouvelle entreprise qui s'appellera Aveos.

2011

Les employés de maintenance d'Air Canada deviennent officiellement employés d'Aveos.

2012

Aveos ferme ses portes et se place sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers. Quelque 2600 travailleurs perdent leur emploi, dont 1800 à Montréal. La procureure générale du Québec poursuit Air Canada pour avoir contrevenu à la Loi fédérale.

2013

Québec remporte une première manche en Cour supérieure.

2015

Dans une décision unanime, cinq juges de la Cour d'appel du Québec confirment la décision de première instance.

2016

Air Canada annonce une commande ferme de 45 avions de la CSeries et des options pour 30 autres. Le transporteur s'engage aussi à faire faire la révision et l'entretien lourd de ses appareils de la CSeries au Québec. En échange, le gouvernement Couillard laisse tomber sa poursuite. Le gouvernement fédéral, de son côté, adopte une loi permettant à Air Canada de modifier le type, le volume et le niveau d'emploi de ses acttivités de maintenance.

2018 : La Cour supérieure du Québec autorise un recours collectif des ex-employés d'Aveos contre Air Canada.

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