Délais d'attente sous-estimés, équipements et locaux désuets, informatique labyrinthique... L'examen des services de chirurgie réalisé par la vérificatrice générale du Québec nous présente un bel échantillon de ce qui cloche dans notre système de santé - y compris sa sempiternelle politisation.

La scène était prévisible.

1. La VG sort un rapport truffé de constats dérangeants.

2. La critique de l'opposition officielle en matière de santé en fait le reproche au ministre.

3. Celui-ci réplique que l'examen s'est arrêté en 2016 et que les changements recommandés par la VG ont déjà été amorcés.

Inutile de nommer les acteurs : non seulement vous les connaissez, mais en mettant deux autres élus dans les mêmes rôles, vous auriez eu à peu de choses près le même spectacle.

On peut reprocher bien des choses au ministre Gaétan Barrette, mais certainement pas de n'avoir rien fait de son mandat. Le problème, c'est plutôt que la santé demeure tellement à la merci des élus.

Prenez l'informatique : la succession de moratoires imposés depuis 2010 a freiné les investissements, alors que les fusions ayant mené à la création des fameux CISSS et CIUSSS nécessitaient de consolider les systèmes, signale la VG. Résultat : des délais et des coûts toujours aussi difficiles à suivre, à comparer et, par conséquent, à resserrer. Même les vérificateurs ont dû déployer « des efforts considérables afin de rendre l'information comparable ». 

Et en investissant ainsi par à-coups, on a toujours l'impression d'être en rattrapage plutôt qu'en développement.

Ça vaut aussi pour les bâtiments. Le déficit de maintien d'actifs pour l'ensemble du réseau dépasse les 640 millions de dollars, dont 236 millions pour les hôpitaux. Et ça n'inclut pas la « désuétude fonctionnelle » (aménagement dépassé, configuration inadéquate, etc.), qui, pourtant, a souvent un impact sur les soins. Dans deux des trois hôpitaux audités, le matériel stérilisé croise celui qui ne l'est pas, créant un risque de contamination, signale la VG.

Le ministre a fait plusieurs annonces dans la dernière année, mais ça ne change rien au problème structurel. Négliger les infrastructures est une longue tradition québécoise, et rien n'empêche un gouvernement pressé de réaliser des « économies » en rognant sur l'entretien. Les appareils médicaux ne sont pas non plus à l'abri. Plus de 20 % de ceux utilisés en chirurgie sont désuets, montrent les données du Ministère.

Avoir les budgets nécessaires à l'entretien préventif et au remplacement systématique des équipements dès leur fin de vie « serait grandement apprécié », car « il s'agit d'une condition nécessaire à la prestation de soins et de services sécuritaires », a d'ailleurs indiqué le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal dans ses commentaires au VG.

« Les limitations des plateaux techniques actuels pourraient mettre en péril l'atteinte des cibles de l'accès à la chirurgie dans les prochaines années », a renchéri le CISSS des Laurentides.

Venant de gestionnaires qui, depuis les fusions, ne disent jamais un mot plus haut que l'autre, ces commentaires en disent long sur l'organisation des soins de santé. Et malheureusement, ça ne semble pas près de changer. La campagne électorale nous amènera sa part d'annonces et de promesses qui seront présentées comme autant de cadeaux, alors que ces investissements souvent attendus depuis très longtemps devraient faire partie du cours normal d'une saine gestion.

DES ÉQUIPEMENTS MÉDICAUX EN FIN DE VIE

Proportion des appareils ayant dépassé leur durée de vie normalisée

Imagerie : 24 %

Radiothérapie : 21 %

Biologie médicale : 31 %

Inhalothérapie : 25 %

Chirurgie : 21 %

Source : Les infrastructures publiques du Québec, mars 2018

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion