« Un quidam tombé sur une somme d'argent inattendue est poursuivi par de dangereux criminels qui veulent non seulement récupérer leur butin, mais le lui faire payer chèrement. »

Cette intrigue, on l'a vue dans des dizaines de séries télé films et américains. Au Canada, toutefois, c'est le gouvernement fédéral qui est devenu le plus grand producteur de scénarios du genre.

Depuis le lancement du système Phénix au début de 2016, des dizaines de milliers de fonctionnaires se retrouvent avec des sommes en trop dans leur compte en banque, et le gouvernement est intraitable. Au lieu de se contenter de récupérer le montant net qu'il a fait l'erreur d'ajouter à la paye de l'employé, il lui réclame le montant brut, soit le montant net augmenté des retenues d'impôts à la source - autrement dit, une somme supérieure à celle que le fonctionnaire a reçue !

En principe, l'Agence du revenu du Canada (ARC), à qui l'employeur envoie ces retenues d'impôts, remboursera la différence lorsque le travailleur produira sa déclaration de revenu.

En pratique, ces trop-payés sont une grande source de stress pour les fonctionnaires, surtout lorsqu'ils se voient exiger des sommes importantes qu'ils n'ont pas.

De plus, certains ne reçoivent pas la lettre les invitant à convenir d'un plan de recouvrement et le système, voyant qu'ils n'ont pas répondu, enclenche un prélèvement automatique sur leur paye, dénonce la vice-présidente de l'Alliance de la fonction publique du Canada pour le Québec, Magali Picard.

Ces trop-payés causent des maux de tête supplémentaires aux fonctionnaires qui ont des enfants, témoigne le syndicat. Les relevés de paie artificiellement gonflés peuvent réduire les prestations auxquelles ils ont droit (dont l'Allocation canadienne pour enfants), et augmenter leurs tarifs de garderie. Les parents séparés sont aussi obligés d'expliquer ces sommes farfelues, afin que leurs paiements de pension alimentaire ne soient pas réajustés à la hausse.

Le gouvernement Trudeau a décidé d'en finir avec Phénix, a-t-on appris dans le budget de mardi. Sauf que malgré les centaines de millions de dollars et les centaines d'employés engagés pour stabiliser le système d'ici à ce qu'il puisse être remplacé, celui-ci en a encore pour des mois, voire des années, à générer des milliers erreurs à chaque période de paie - dont des trop-perçus.

Ottawa évaluera « la faisabilité des changements aux dispositions législatives qui permettraient à un employé du secteur privé ou public qui vit cette situation de rembourser le montant moins les retenues d'impôt », a indiqué le ministre des Finances Bill Morneau dans son budget de mardi. Comme on le voit, ça risque d'être long.

Qui doit-on blâmer pour le désastre de Phénix ? Le rapport du vérificateur général prévu bientôt devrait nous éclairer davantage là-dessus. Chose certaine, ce ne sont ni les contribuables ni les employés de l'État - alors que ce sont les deux seuls groupes à payer pour ce gâchis.

En demandant aux employés de lui rembourser des retenues d'impôts à la source qu'il a versées inutilement à Revenu Canada, le fédéral leur demande de payer pour ses propres erreurs. C'est insensé, et ça frise l'abus de pouvoir.

Le gouvernement doit prendre ses responsabilités. S'il n'est pas capable d'arrêter de déposer trop d'argent dans les comptes de banque de ses fonctionnaires, il doit au moins mettre un terme à cette pratique injuste qui consiste à recouvrer des montants bruts plus élevés que ceux reçus par les employés.

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