Ramener la procréation assistée dans le panier de services couverts par l'assurance maladie ? Cette proposition de la CAQ est habile du point de vue politique, mais les arguments qui plaidaient contre l'ajout d'un tel programme en 2010 sont toujours aussi valables.

«Le ministre de la Santé avait indiqué son ouverture à reconsidérer le programme et le rétablissement du programme de procréation assistée si les finances du Québec le permettaient», a fait valoir le député caquiste François Paradis la semaine dernière, en évoquant les échanges durant l'étude du projet de loi qui a mis fin au programme.

Vérification faite, le ministre s'était bien gardé d'ouvrir cette porte.

«S'il advenait que les circonstances économiques nous permettaient de faire plus dans tout, sans qu'on ait à faire de choix si déchirants que ça, il n'y a pas de problème avec ça, mais honnêtement, M. le président, je doute que les choix ne soient pas déchirants dans les prochaines années», avait répondu Gaétan Barrette en 2015.

Ressusciter ce programme n'est toujours pas dans les cartes, a-t-il confirmé cette semaine.

Fin de l'histoire? Hélas, probablement pas. Famille, dénatalité, désir d'enfant, traitements inabordables pour plusieurs citoyens : la procréation assistée touche des cordes sensibles qui en font un enjeu électoral de choix.

Le député de Lévis n'est d'ailleurs pas le seul à s'y montrer réceptif. L'aile jeunesse de son parti a adopté une résolution en ce sens en septembre dernier. La Commission-Jeunesse du PLQ avait fait la même chose en août. Et le Parti québécois est également favorable au retour du programme.

À moins d'un an des élections, la marge de manoeuvre de 2 milliards de dollars annoncée à Québec en fait saliver plusieurs. Mais si le gouvernement Couillard donne l'impression de nager dans les surplus, ce n'est pas le cas du système de santé, qui ne parvient toujours pas à répondre à de multiples besoins, ou à le faire dans des délais acceptables. Ponctionner ses ressources insuffisantes pour financer un tout nouveau programme était injustifiable en 2010, ça ne l'est toujours pas aujourd'hui. Ça ne l'est même plus que jamais.

La santé a toujours figuré très haut dans la liste des préoccupations des électeurs. Toutefois, ceux-ci sont de plus en plus nombreux à réclamer que le gouvernement fasse de l'éducation sa priorité. Ce n'est pas qu'une question d'argent, mais cela suppose, au minimum, de financer adéquatement le système d'éducation et les services sociaux dont les enfants qui sont déjà parmi nous ont besoin.

La fin du programme de procréation assistée a permis d'économiser une soixantaine de millions de dollars par an. La somme peut paraître modeste par rapport au budget du Ministère, qui dépasse les 35 milliards, mais elle n'est pas négligeable. La semaine dernière, le ministre Barrette a annoncé 28 millions supplémentaires pour le réseau ambulancier, et 15 millions de plus pour les services de psychologie destinés aux jeunes en difficulté. Même en supposant que Québec renonce à ces deux rehaussements, qui ne sont pourtant pas du luxe, il manquerait toujours 17 millions pour couvrir la procréation assistée. Qui faudrait-il découvrir pour cela? Qu'est-ce qui mérite d'être supprimé?

Si la CAQ remporte les prochaines élections, elle pourra donner suite à ce projet. Sa responsabilité, toutefois, ne se limitera pas à ramener la gratuité pour les usagers - il n'y a pas de mérite, en soi, à dépenser des fonds publics. L'expérience du gouvernement Charest a montré avec quelle rapidité les coûts et la demande d'un tel programme peuvent exploser. La CAQ propose de s'inspirer des recommandations du commissaire à la santé pour l'encadrement. Mais encore? Ces recommandations datent de près de trois ans, et leurs impacts n'ont pas été chiffrés. Négocier avec les médecins et les cliniques, baliser l'accès, gérer les attentes de la population : il y aurait un sérieux travail de préparation à faire avant de se lancer de nouveau dans une telle aventure.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion