La prochaine ronde de négociation visant à moderniser l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ne débutera pas ce vendredi, comme prévu à l'origine, mais dans plus de trois semaines. Ce délai met fin aux espoirs d'en arriver à un nouvel accord avant la fin de l'année, mais il ne peut qu'être bénéfique aux négociations.

Contrairement aux premières rondes, séparées par moins de 20 jours de calendrier, un plein mois s'écoulera entre la quatrième et la cinquième rencontre, qui débutera le 17 novembre prochain à Mexico. Un répit salué par plusieurs dans l'entourage des négociations, où l'on commençait à trouver le rythme essoufflant. Ce tempo, on s'en souvient, avait été dicté par la volonté américaine de régler le dossier avant la fin de l'année. Ce scénario peu plausible a définitivement été écarté la semaine dernière avec la décision de prévoir des réunions jusqu'à la fin de mars. 

Et bien que les délais soient généralement perçus comme des symptômes inquiétants, dans ce cas-ci, ils sont plutôt vus comme un signe encourageant.

«J'ai vu aujourd'hui des manifestations concrètes de bonne volonté, particulièrement de nos vis-à-vis américains», a déclaré la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, en point de presse à Washington.

En proposant d'espacer et de prolonger le calendrier, les États-Unis ont en effet donné l'impression d'être réellement intéressés au maintien d'un ALENA. 

Cette ouverture permet aussi de penser que, contrairement à ce qu'on craignait, leurs réclamations extravagantes n'ont pas pour but premier de faire capoter les négociations.

Cette lueur d'espoir, aussi ténue soit-elle, est bienvenue dans le ciel nord-américain, qui s'est encore assombri durant la dernière ronde. La tension était palpable dans les déclarations finales, avec une ministre canadienne reprochant aux États-Unis de vouloir «reculer l'horloge de 23 ans», et un secrétaire américain au Commerce international «surpris et déçu de la résistance au changement de nos deux partenaires».

Déçu, peut-être, mais surpris? Plusieurs des demandes de «changement» présentées par les Américains durant cette ronde sont non seulement extrêmes, mais aussi inusitées en matière de libre-échange. On pense notamment à cette clause crépusculaire, par laquelle l'accord s'éteindrait automatiquement après cinq ans à moins que les trois parties en décident autrement. Et aux règles d'origine pour le secteur automobile, où Washington voudrait pousser le contenu nord-américain, déjà très élevé, à un niveau stratosphérique de 85%, et y ajouter une exigence asymétrique de 50% de contenu fabriqué aux États-Unis. Ce ne sont que quelques exemples. Malgré les progrès réalisés sur certains aspects, plusieurs des positions actuelles sont tellement éloignées qu'on n'aura pas trop des mois à venir pour trouver comment les rapprocher.

Évidemment, il est toujours possible que le président Trump mette sa menace à exécution et, en l'absence d'accord en décembre, signe le décret ordonnant la sortie de l'ALENA. Mais là encore, on a le temps de voir venir.

Personne n'est même capable de dire avec certitude comment les dominos tomberaient au terme de ce préavis de six mois. Si jamais le Congrès, qui a son mot à dire sur les enjeux de commerce international, ne s'y oppose pas devant les tribunaux, des lobbys d'affaires pourront s'en charger. Des avocats associés au Congrès et à des firmes privées planchent déjà sur des stratégies en cas de retrait présidentiel, signalait le Wall Street Journal vendredi.

Dans l'intervalle, l'entente aurait de bonnes chances de continuer à s'appliquer. Évidemment, ce serait un pis-aller dans un grand climat d'incertitude, d'autant qu'on n'est pas non plus certain de la marche à suivre pour que l'ancien Accord de libre-échange Canada-États-Unis (ALE) reprenne du service. N'empêche, le Canada, qui composait très bien avec le statu quo avant l'élection de Donald Trump, sera certainement capable de s'en accommoder tant que ça durera.

En attendant, le répit des prochaines semaines donnera l'occasion aux parties intéressées de se faire entendre. Et aux États-Unis, de plus en plus de voix s'élèvent dans les milieux d'affaires pour rappeler au président Trump que l'ALENA est un moteur essentiel de l'économie américaine, et qu'il serait désastreux de l'envoyer à la ferraille. Le temps joue en notre faveur, même de l'autre côté de la frontière.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion