C'est fait : le Groupe Jean Coutu est absorbé par une autre chaîne, celle de l'épicier Metro, ont confirmé les deux entreprises hier. Cette transaction de 4,5 milliards est la plus spectaculaire acquisition d'un détaillant québécois depuis celle de Rona par Lowe's. Là s'arrête toutefois la comparaison.

La transaction a beau être structurée comme une fusion, avec la famille Coutu qui acquiert 6% de Metro et le Groupe Jean Coutu qui aura deux sièges au conseil d'administration, l'entreprise fondée en 1969 par le plus célèbre pharmacien québécois ne sera bientôt plus qu'une division. L'atmosphère, pourtant, était à la bonne humeur lors de l'annonce officielle hier matin. Tout un contraste avec les sourires forcés et un peu las affichés lors de l'annonce, dans un autre hôtel du centre-ville montréalais, de l'acquisition de Rona par Lowe's en février 2016.

Oui, c'est une autre entreprise phare de Québec inc. qui est rachetée et disparaît de la Bourse au profit de son acquéreur, mais pas seulement. C'est le Groupe Jean Coutu, avec son siège social et son centre distribution de Varennes, qui intégrera les activités pharmaceutiques de Metro (distributeur McMahon, réseau de franchisés Brunet, pharmacies ontariennes, etc.). Et c'est son président et chef de la direction actuel, François J. Coutu, qui prendra la tête de cette division autonome, du moins dans un avenir prévisible.

Comme on le dit familièrement, c'est une opération «gagnant-gagnant». Et à cette expression consacrée, il faut ajouter un troisième gagnant, le gouvernement du Québec, qui s'évite le psychodrame habituel du «fleuron qui tombe entre les mains des étrangers».

En tombant dans le panier de Metro, c'est une entreprise québécoise que la chaîne de pharmacies vient renforcer.

Même le ministre de la Santé Gaétan Barrette, dont les changements réglementaires et le style de négociation ont été vivement critiqués par Jean Coutu dans la dernière année, a eu droit à ses félicitations hier. «Je pense qu'il a compris, peut-être à la suite de notre exemple, que dans la santé, il faut être présent quand les gens ont besoin de nous», a dit un Jean Coutu mi-figue, mi-raisin, en faisant allusion aux efforts du ministre pour permettre aux patients de voir un médecin plus rapidement...

Évidemment, les 75 millions d'économies prévues sur trois ans ne se feront pas sans casser des oeufs. L'intégration de McMahon, et la fermeture de son centre de distribution au profit des installations ultramodernes de Jean Coutu, feront disparaître des emplois dans cette filiale de Metro. Et Metro entend bien profiter de sa taille accrue pour obtenir de meilleurs prix, ce qui provoquera sans doute quelques grincements de dents chez les fournisseurs. Ce scénario est toutefois bien moins inquiétant que celui des transactions Provigo-Loblaw ou Rona-Lowe's, qui superposait deux groupes aux activités plus semblables que complémentaires, et obligeait les fournisseurs d'ici à défendre leur place auprès d'un centre de décision situé à l'extérieur du Québec.

Ce qui n'a pas changé, cependant, c'est le climat concurrentiel de plus en plus rude. Si l'entrée d'Amazon dans l'agroalimentaire ne va pas bouleverser les habitudes des consommateurs québécois demain matin, c'est une ombre de plus dans un marché déjà fort encombré, dont la croissance est limitée. Comme on l'a vu avec l'achat de Shoppers Drug Mart-Pharmaprix par Loblaw il y a quatre ans, la pharmacie est une diversification logique dans une population vieillissante.

Si Metro est capable d'ajouter des produits de santé-beauté et des articles saisonniers attrayants en supermarché et une offre alimentaire appétissante en pharmacie, il y aura des gains réels, pour l'entreprise comme pour les consommateurs. La filiale de médicaments génériques Pro Doc pourrait également contribuer à la croissance, si l'on convainc les franchisés Brunet de s'approvisionner auprès d'elle. Il faudra aussi voir quels sont les plans à l'extérieur du Québec.

Le sort de Jean Coutu étant réglé, c'est celui de Metro dont il faut désormais se préoccuper. Même s'il s'agit d'une transaction positive, la tendance se maintient : le nombre de fleurons allant en diminuant, on peut de moins en moins se permettre d'en perdre.

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