Deux ans après avoir été annoncé, le regroupement CHUM-Sainte-Justine est toujours aussi injustifié que bancal. Le gouvernement Couillard doit mettre fin à ce bricolage absurde qui fragilise Sainte-Justine, et lui redonner la pleine gouvernance qu'elle mérite.

«Il n'est pas question ici d'une fusion. Il s'agit du regroupement de deux établissements distincts sous une même gouverne», avait souligné le ministre de la Santé Gaétan Barrette en annonçant, à la surprise générale, que le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) et le Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine partageraient le même PDG et le même conseil d'administration.

De fait, les deux établissements sont demeurés des «établissements non fusionnés» au sens de la loi. Et à ce titre, chacun a droit à ce que quatre de ses comités (conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, conseil des infirmières et infirmiers, conseil multidisciplinaire et comité des usagers) soient représentés au conseil.

Sauf que la loi, par ailleurs, ne prévoit qu'un seul siège pour chacune de ces quatre fonctions. Comment y caser les huit représentants des deux CHU? Pour répondre à ce problème qu'il avait créé de toutes pièces, Québec a coupé la poire, ou plutôt le siège, en deux : les représentants de chaque établissement auront le droit de vote durant six mois chacun en alternance!

Cet arrangement biscornu, adopté par décret un mois après l'annonce du regroupement, a permis de colmater la fissure réglementaire, mais la structure générale, elle, est toujours aussi déficiente.

Sainte-Justine, on le sait, est un centre pédiatrique de pointe unique au Québec. Sa renommée et son rayonnement parlent d'eux-mêmes : il est évident que son développement optimal passe par le maintien de son indépendance. Le ministre Barrette l'a reconnu lui-même en l'incluant d'emblée dans sa très courte liste d'établissements non fusionnés, aux côtés d'autres centres à vocation particulière comme l'Institut de cardiologie et l'Institut Philippe-Pinel. Pourquoi, alors, ne pas l'avoir doté comme eux d'un conseil d'administration et d'un PDG propres?

L'argument de la continuité des soins qu'on nous ressert depuis deux ans sonne toujours aussi creux. Les jeunes patients de Sainte-Justine, qui viennent de toutes les régions, sont suivis dans bien d'autres centres que le CHUM une fois rendus à l'âge adulte. La comparaison avec les hôpitaux pédiatriques de McGill et du CHUQ n'est pas valable non plus puisque ceux-ci faisaient déjà partie intégrante de grands établissements avant les fusions.

La mission de Sainte-Justine n'a pas été altérée, Québec y a même réinvesti, fait valoir le ministre. C'est juste, mais ça ne change rien au problème de fond. Comme le résume bien le directeur général de l'Institut sur la gouvernance, Michel Nadeau : en fusionnant deux conseils, on amorce une logique d'intégration. Le ministre jure qu'il n'en fera rien? On veut bien le croire, mais il ne sera pas là indéfiniment. Et le prochain PDG du CHUM n'aura pas le même attachement à Sainte-Justine que Fabrice Brunet, qui dirige ce centre pédiatrique depuis 2009.

La gouvernance de Sainte-Justine est assise entre deux chaises. C'est une position inconfortable, précaire et risquée pour une institution de cette envergure. Il est temps de lui redonner une base solide, en la dotant d'un PDG et d'un conseil d'administration bien à elle, qui n'auront d'autres intérêts à défendre que celui de ses patients.

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