Plusieurs associations du monde médical ont sonné l'alerte, ces derniers jours, sur les risques associés à la légalisation du cannabis récréatif, en particulier pour les jeunes.

Elles ne seront pas les dernières, puisque Québec vient d'annoncer une vaste consultation sur l'encadrement provincial de cette substance. Ce cadre devra effectivement être conçu avec le plus grand soin - ce qui implique aussi de choisir des moyens réalistes pour atteindre les objectifs visés.

La création d'une espèce de monopole étatique pour l'achat et la distribution de cannabis sur le territoire québécois n'en fait certainement pas partie. C'est le modèle recommandé notamment par l'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) et les Jeunes médecins pour la santé publique, mais c'est prêter aux monopoles d'État des vertus qu'ils n'ont pas.

On le voit très bien au Québec : le contrôle du jeu ou des vins et spiritueux par l'État n'offre aucune protection contre le marketing et la quête de profits. Au contraire, les exigences de rendement des élus rendent ces procédés inévitables. Et placer un tel monopole sous la responsabilité de la Santé, plutôt que sous celui des Finances, comme le recommande l'ASPQ, ne changerait rien à l'affaire. Une telle agence sera toujours vue comme une source de revenus potentiels, et finira tôt ou tard par être mise à contribution pour renflouer le Trésor public.

La dernière chose dont on ait besoin au Québec, c'est d'un monopole d'État de plus, avec tout ce que ça implique de coûts, de lourdeur et de rigidité.

Surtout dans un domaine comme la marijuana, déjà occupé par une myriade de vendeurs illicites qui ne disparaîtront pas tous du jour au lendemain, et auxquels s'ajouteront bientôt les fournisseurs légitimes des autres provinces. Si l'offre officielle est mal calibrée, les consommateurs trouveront facilement des solutions de rechange.

Le rôle du gouvernement n'est pas de se transformer en pusher, mais d'instaurer un cadre optimal. Comme le souligne par ailleurs l'ASPQ dans son mémoire, « la protection de la santé de la population doit demeurer au coeur de la légalisation ». Voilà un impératif clair avec lequel on ne peut qu'être d'accord. Nous en ajoutons un second : légaliser ne doit pas être synonyme de banaliser.

Le cannabis aura beau être légal, il ne deviendra pas pour autant un ingrédient banal, et ce message doit passer sur tous les fronts.

Cela exigera de la sensibilisation, bien sûr, et il en faudra beaucoup pour contrer l'ignorance et l'insouciance associées à cette substance.

Il sera toutefois essentiel que la réglementation et son application stricte renforcent cette impression. 

Appliquer les interdictions de fumer déjà en vigueur pour le tabac est une évidence, mais il y a moyen de faire beaucoup mieux. Le marché du cannabis réglementé, lui, est vierge ; il faut en profiter pour imposer d'emblée les meilleures pratiques. Bannir les points de vente à une certaine distance des écoles et d'autres lieux fréquentés par les jeunes, exiger des emballages neutres et des mentions obligatoires (mises en garde, liste des ingrédients, taux de THC, etc.) et interdire la publicité sera un minimum.

Le gouvernement Couillard aurait voulu qu'Ottawa reporte l'entrée en vigueur de la légalisation, annoncée pour l'été 2018. Dans ce dossier, toutefois, ce n'est pas le temps qui manque, mais les connaissances. Six mois ou un an de plus n'aurait rien changé aux incertitudes actuelles, par exemple sur la mesure de la conduite avec les facultés affaiblies. Il faudra donc se montrer plus prudent que moins, et continuer à travailler en parallèle sur le développement de tests efficaces.

D'ailleurs, s'il y a un aspect du cannabis sur lequel l'État a le plein contrôle, c'est bien la recherche. Le Canada et les provinces devraient y investir massivement, car il y a là une occasion en or de se démarquer - d'autant que les scientifiques américains, eux, sont limités par le fait que la substance demeure à l'index au fédéral. Ce ne sera bientôt plus le cas ici. Profitons-en.

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