Président du conseil dépouillé de son titre exécutif et, par conséquent, d'une part de sa rémunération. Promesses que les efforts des dernières années vont enfin rapporter. Le désir de tourner la page était manifeste à l'assemblée annuelle de Bombardier, hier matin. Toutefois, la seule annonce qui puisse vraiment permettre à l'entreprise de passer à autre chose, ce sont de nouvelles commandes pour cette C Series sur laquelle elle a tout misé.

« Nous considérons qu'avec le succès de la transition, la présence d'un président exécutif du conseil n'est plus nécessaire. Le moment est donc venu pour Pierre de changer son rôle en celui de président non exécutif du conseil », a déclaré le président du comité de rémunération à l'assemblée.

Ce n'était évidemment pas une coïncidence. Même si Jean Monty a tenu à préciser que le conseil en discutait depuis des mois, il est évident que les critiques des investisseurs institutionnels ont été déterminants. Si la Caisse de dépôt et d'autres n'avaient pas ouvertement secoué le cocotier ces derniers jours, le fruit ne serait sûrement pas tombé à ce moment précis, à la réunion du conseil tenue la veille de l'assemblée générale.

Ce changement aura un impact significatif sur la rémunération de Pierre Beaudoin, et lui enlèvera officiellement tout rôle exécutif. On est cependant loin du président de conseil indépendant que réclamait la Caisse.

Et ça ne changera pas tellement la dynamique autour de la table du conseil, où les administrateurs indépendants devront encore composer avec un président représentant les intérêts de la famille.

Le crescendo menant à l'assemblée annuelle étant passé, ce sujet, ainsi que celui de la rémunération de la haute direction, se retrouvera sans doute en veilleuse, du moins pour un temps. Mais pour pouvoir réellement changer le ton de la conversation, Bombardier devra annoncer des commandes fermes pour son produit phare, les avions de la C Series.

De ce côté, malheureusement, c'est la disette, et c'était particulièrement évident à la présentation des résultats du premier trimestre en début de journée. Le PDG Alain Bellemare, qui n'est jamais à court de superlatifs et fait toujours montre d'un enthousiasme inoxydable, n'a patiné que sur une question : celle d'un analyste qui lui demandait pourquoi les nouvelles commandes tardaient à se manifester pour ces avions.

De fait, la clé est là. Disons-le franchement : si les ventes de la C Series étaient éclatantes, on n'aurait jamais autant entendu parler de rémunération et de gouvernance.

Et pas seulement parce que celles-ci auraient paru plus légitimes : quand une machine tourne rondement, ça ne se bouscule pas pour fouiller sous le capot.

La plainte de Boeing contre Bombardier devant le Département du commerce américain serait aussi plus facile à relativiser. Cette requête a beau être absurde, la possibilité qu'elle puisse retarder les commandes dans un marché qui, de l'aveu de la direction, est déjà un peu mou, est préoccupante dans les circonstances.

En l'absence de nouvelles commandes, la direction doit aussi ramer plus fort pour attirer l'attention sur les aspects positifs de son redressement, comme l'amélioration de l'utilisation des flux de trésorerie disponibles au premier trimestre et le maintien de ses prévisions pour l'ensemble de l'exercice. Le marché, au moins, a été sensible à ces résultats. Le titre a grimpé de presque 8 % hier, clôturant à 2,21 $, soit une hausse de 0,16 $ l'action.

« On est en train de passer d'une phase de développement à une phase de création de valeur pour les actionnaires », a martelé Alain Bellemare en conférence de presse. Les petits investisseurs qui ont profité de l'assemblée annuelle pour l'interpeller sur la valeur du titre et le retour du dividende ne demandent que ça. Les contribuables québécois qui ont doublement appuyé Bombardier par l'entremise de l'État et de la Caisse de dépôt aussi.

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