Un voyageur arraché de son siège et traîné sur le dos, la bouche en sang, jusqu'à la sortie de l'avion... Les images vidéo publiées par des passagers du vol 3411 Chicago-Louisville de dimanche soir sont révoltantes. Et les premiers commentaires du transporteur, qui ne remettait aucunement en question son intervention, sont encore plus choquants.

Le grand patron de United s'est repris hier, et a présenté ses excuses à tous les passagers du vol. Affaire classée? Non. Il faut une enquête officielle pour déterminer si le transporteur était dans son droit, comme il semblait en être si convaincu. Parce que si c'est le cas, il va falloir y voir.

Rappelons qu'on n'a pas ici affaire à un criminel, mais à un passager que le transporteur voulait priver de son siège parce qu'aucun volontaire ne s'était manifesté.

«Je m'excuse d'avoir à "réaccommoder" ces clients», a déclaré le PDG de United Continental Holdings dans un bref communiqué lundi.

«Nos employés ont suivi les procédures établies pour gérer de telles situations», a aussi indiqué Oscar Munoz dans une note interne où il félicite son personnel et lui assure son appui.

Ces commentaires d'une rare insensibilité ont jeté de l'huile sur le feu, éclaboussant au passage le magazine PRWeek, qui a décerné son prestigieux titre de «communicateur de l'année» à M. Munoz le mois dernier. L'enjeu, toutefois, va bien au-delà des relations publiques ou de la gestion de crise.

La vraie question qui se pose désormais, c'est : jusqu'où un transporteur peut-il aller pour régler son manque de places?

Contrairement à ce qu'on voit souvent dans les cas de surréservations, ce passager-là ne s'est pas vu refuser l'embarquement. Il a même eu le temps de s'installer dans son siège. Et United n'avait pas un problème de survente, mais de personnel à transporter à la dernière minute. La logique, cependant, est la même.

Les transporteurs aériens devraient l'écrire en gros caractères, car beaucoup de consommateurs n'en sont pas conscients : un billet d'avion ne vous garantit pas un siège à bord du vol choisi.

Même si le client a payé d'avance, qu'il a réservé son siège et qu'il s'est enregistré dans les délais requis, il n'est pas assuré de recevoir exactement ce qu'il a acheté. Dans la majorité des cas, ça se passe comme prévu, mais si le transporteur a vendu trop de sièges pris un appareil plus petit ou subi une situation indépendante de sa volonté, il a de la marge de manoeuvre.

Il doit d'abord offrir une indemnité pour attirer des volontaires, mais la somme proposée est à sa discrétion et s'il n'y a pas de preneurs, des voyageurs se verront refuser l'embarquement. Les mineurs non accompagnés et les passagers ayant un handicap sont normalement épargnés, mais pour le reste, le choix des passagers laissés en rade est aussi à la discrétion de l'entreprise.

La classe et le statut du programme de fidélisation sont notamment pris en considération - les transporteurs ne veulent évidemment pas incommoder leurs clients les plus payants. Ont-ils pour autant le droit de «réaccommoder» les autres aussi brutalement que l'a fait United dimanche soir?

La stratégie retenue par les employés, la collaboration de la police aéroportuaire et les explications initiales du patron montrent que beaucoup de gens trouvaient cette façon de faire tout à fait normale et légitime. C'est inquiétant.

Oscar Munoz a promis hier d'examiner la situation et de publier les résultats de ce travail à la fin du mois. Le département de l'aviation de Chicago a suspendu l'un de ses agents et promis un examen lui aussi. Le département fédéral des Transports, par contre, a seulement mentionné qu'il regarderait les règles de refus d'embarquement du transporteur.

Franchement, si cette situation ne mérite pas un examen indépendant plus exhaustif, on se demande ce que ça prend. M. Munoz a eu beau promettre que «ça ne se produira plus jamais», il a quand même fallu que le titre de United chute de plus de 2,5% durant la journée avant qu'il ne revienne avec de réelles excuses.

La rentabilité des grandes sociétés aériennes est fragile et le remplissage des vols pèse lourd dans l'équation. La survente de sièges n'est donc pas près de disparaître, et les transporteurs ont beaucoup de latitude pour la gérer. Assurons-nous qu'ils le fassent de façon civilisée.

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