Arrivée-surprise, heure matinale, caisse de dossiers : l'opération menée à l'Institut de l'oeil des Laurentides jeudi dernier avait toutes les apparences d'une perquisition policière.

Jusqu'aux manteaux des inspectrices, marqués «RAMQ» en grosses lettres blanches dans le dos, qui semblaient avoir été commandés au fournisseur de l'UPAC. Si la Régie de l'assurance maladie du Québec voulait dépoussiérer son image, c'est réussi. Reste à voir si sa lutte contre les frais abusifs y gagnera en efficacité.

«Il y a un nouveau shérif en ville.» «On ne rit plus de la RAMQ.»

Insérez ici le slogan de votre choix, car de toute évidence, c'est ce que la Régie cherchait en arrivant sans crier gare dans cette fameuse clinique d'ophtalmologie de Boisbriand : passer un message.

La RAMQ étrenne ses nouveaux pouvoirs. La loi 92, entrée en vigueur quelques semaines avant Noël, lui permet de récupérer des sommes perçues illégalement sans avoir à attendre que des patients portent plainte. Très utile pour fouiller des cas douteux rapportés par les médias.

L'Institut de l'oeil n'en est pas à ses premiers démêlés avec la RAMQ. Une première enquête l'avait obligé à rembourser 84 000 $ de frais accessoires en 2013. Une autre analyse est encore en cours. Et c'est sans compter les patients dédommagés par le centre de santé de Saint-Jérôme, qui avait accordé de généreux contrats de sous-traitance à l'Institut.

L'abolition des frais accessoires, en janvier dernier, a soulevé des doutes sur l'avenir de certaines interventions en clinique. Serait-il toujours rentable de faire l'opération de la cataracte au simple tarif de la RAMQ? L'Institut de l'oeil semble avoir trouvé une parade. Les patients dont l'opération est couverte par la carte-soleil n'ont plus à verser des centaines de dollars pour des gouttes ou des lentilles, mais ils doivent débourser une somme équivalente pour des examens diagnostiques, rapportait Radio-Canada récemment. Ces tests, contrairement aux gouttes, ne sont pas visés par l'interdiction des frais accessoires, car ils ne sont pas couverts au public. Mais sont-ils tous indiqués? L'Institut affirme que oui, mais des sources soutiennent le contraire.

La Régie a fait preuve d'initiative, bravo, mais pour la suite, on demande à voir. On en est encore au stade de l'inspection et on ne sait même pas s'il y aura enquête.

Augmentation des amendes, ajout de sanctions pécuniaires, allongement des délais de prescription : la nouvelle loi a vraiment donné plus de pouvoirs à la RAMQ. Mais le pouvoir le plus puissant est celui qu'on n'a pas à exercer : c'est l'effet dissuasif qui décourage les abus à la source.

Cette affaire est donc un test pour la Régie. Et il lui faudra plus qu'une démonstration de force pour l'emporter. 

Elle l'a appris à ses dépens en 2005, lorsque la Cour supérieure l'a condamnée à verser des centaines de milliers de dollars de dommages à trois médecins en raison de la conduite d'un de ses inspecteurs, qui était débarqué sans s'annoncer. Il faut dire que cet ex-policier de la Sûreté du Québec avait été beaucoup plus loin, leur faisant notamment signer une reconnaissance de dette sous la contrainte.

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Aucune clinique ne rêve de la publicité faite par la RAMQ à l'Institut de l'oeil, et là-dessus, l'inspection-surprise de la semaine dernière a lancé un avertissement clair. Mais pour que ce genre d'opération ait un réel effet dissuasif, il faut qu'elle soit bien menée d'un bout à l'autre. Ce sera donc à suivre.

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