Le gouvernement Trudeau va-t-il donner le feu vert à la privatisation des grands aéroports canadiens ? S'il emprunte cette piste, il devra se montrer convaincant, car le vrai travail de vente, c'est auprès du public qu'il aura à le faire.

Les suppositions vont bon train depuis que le fédéral a mandaté Crédit Suisse Canada pour le conseiller, en septembre dernier.

Côté face : privatiser les huit principaux aéroports canadiens pourrait rapporter entre 7,2 et 16,6 milliards au Trésor public, estime l'Institut C.D. Howe. Montréal, qui est l'une des trois plus importantes propriétés avec Toronto et Vancouver, pourrait générer entre 150 millions et 1,2 milliard.

Pour un gouvernement qui, après avoir multiplié les promesses coûteuses, voit ses revenus menacés par la croissance anémique et le protectionnisme américain, c'est drôlement tentant.

Côté pile : la résistance est vive, et ses arguments portent. Le prix politique à payer pourrait s'avérer très élevé. «Un acquéreur à but lucratif ne pourrait pas acheter un aéroport comme YVR [l'Aéroport international de Vancouver] sans réduire les services et augmenter les frais et tarifs aux utilisateurs», a fait valoir YVR dans un mémoire à Transports Canada.

Les frais d'améliorations aéroportuaires (FAA) facturés aux passagers et les frais aéroportuaires exigés des transporteurs aériens sont déjà fortement critiqués. L'idée qu'ils puissent être encore augmentés et refilés aux voyageurs risque de susciter un tollé.

La question est encore peu connue du grand public, mais les opposants sont bien organisés, et parlent d'autorité.

 - Les administrations aéroportuaires de Vancouver, Calgary et Ottawa ont créé un front commun contre la privatisation de leurs activités et ne ratent pas une occasion de se faire entendre ;

 - Le grand patron d'Air Canada, Calin Rovinescu, a aussi dénoncé une probable augmentation des coûts pour les passagers ;

 - Aéroports de Montréal attend de voir la proposition gouvernementale pour se prononcer, mais ses préoccupations sont évidentes. «Nous voulons nous assurer que la proposition n'alourdira pas la structure de coût au détriment des passagers et de la qualité des services», indique sa porte-parole.

La motion que le Parti conservateur prévoit déposer aujourd'hui à la Chambre des communes amènera-t-elle les libéraux à ouvrir leur jeu? Ou est-ce le ministre des Finances Bill Morneau qui annoncera la couleur dans son discours du budget demain?

Chose certaine, le gouvernement Trudeau ne pourra pas rester assis entre deux sièges encore très longtemps. Il va devoir dire où il s'en va.

Les aéroports internationaux ont la cote auprès des investisseurs à long terme, comme la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il ne sera donc pas difficile de trouver des intéressés. Ce sont cependant des actifs très sensibles. Même s'il se contente d'offrir des participations minoritaires, Ottawa fera face à un barrage de questions.

Pour l'instant, on se préoccupe surtout des consommateurs, mais d'autres inquiétudes, notamment à propos de la sécurité et des relations avec les communautés environnantes, ne manqueront pas de surgir si la privatisation se concrétise. Ottawa devra être capable d'y faire face.

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