Les 372,5 millions que le gouvernement Trudeau a finalement décidé de prêter à Bombardier mardi sont évidemment bienvenus. Il est toutefois étonnant qu'on ait entretenu un tel suspense autour d'une aide somme toute assez classique, qui s'inscrit dans la lignée de ce que le fédéral a accordé à l'avionneur au fil des ans.

Un prêt sans intérêt de 372,5 millions, ce n'est évidemment pas rien. Toutefois, ce n'est ni la somme ni le soutien réclamés lorsque Bombardier se débattait avec ses problèmes de liquidités à la fin de 2015. La société, on s'en souvient, avait sollicité une contribution équivalente à celle de Québec pour la C Series, soit 1,3 milliard. La somme annoncée mardi est trois fois moins importante et servira surtout à soutenir la recherche-développement du jet d'affaires Global 7000. Seulement le tiers de l'aide est allouée à la C Series, pour en poursuivre le développement et la mise au point.

Bref, là où Bombardier avait demandé un sérieux coup de main, elle a dû se contenter d'un coup de pouce.

Son PDG Alain Bellemare s'est néanmoins montré beau joueur, faisant valoir la « flexibilité additionnelle » découlant de ce prêt. L'entreprise, il faut le dire, a beaucoup amélioré sa situation financière. L'appui attendu d'Ottawa aurait été fort utile, mais il n'est plus aussi déterminant.

L'écart entre ce qui a été demandé et accordé n'est cependant pas passé inaperçu au Québec, y compris de ceux qui n'ont pas l'habitude de critiquer Ottawa. Qualifiée de « tardive » par le ministre des Relations canadiennes, Jean-Marc Fournier, la décision a été saluée tièdement par le premier ministre Philippe Couillard et son ministre des Finances Carlos Leitão, qui la décrivent comme « un premier pas ».

Québec peut toujours rêver, mais rien, pour l'instant, ne laisse entrevoir de nouveau financement d'Ottawa pour la C Series.

 - Les 124 millions annoncés mardi ne sont pas un premier pas, mais la suite d'un accord conclu en 2005, grâce auquel 350 millions avaient déjà été avancés pour la C Series.

 - Et vu l'insistance avec laquelle l'administration Trudeau parle d'innovation, Bombardier aurait plus de chances de l'intéresser avec sa prochaine plateforme, dont on ignore toujours s'il s'agira d'un avion commercial ou d'affaires.

Encore faudra-t-il que le gouvernement s'assume et s'affranchisse de son malaise, complètement injustifié, à soutenir ce moteur de l'aérospatiale qu'est Bombardier.

Les Canadiens qui se sont scandalisés de l'annonce de mardi méritent eux aussi de se faire dire : « Tout ça pour ça ? » Non seulement l'argent versé est bien inférieur aux demandes, mais il est, répétons-le, remboursable. « L'entreprise a un très bon historique, elle n'a jamais manqué un paiement et a toujours remis les sommes dues à temps », souligne le ministre de l'Industrie Navdeep Singh Bains. Les premiers versements pour rembourser le prêt initial de 350 millions à la C Series sont d'ailleurs prévus cette année.

Le Canada ne peut pas seulement compter sur le marché, hautement cyclique, des ressources naturelles. Des emplois de pointe comme on en retrouve chez Bombardier et chez ses fournisseurs, il nous en faut donc davantage, pas moins. Et l'aérospatiale, que l'idée plaise ou non, n'existe nulle part sans un minimum d'implication gouvernementale.

Le Brésil, qui vient d'entreprendre des démarches officielles contre le Canada devant l'Organisation mondiale du commerce, le sait mieux que quiconque. Il n'y a pas de quoi s'affoler là non plus. Le Brésil d'Embraer et le Canada de Bombardier ont déjà joué dans ce genre de telenovela : ce sera long, et si l'on finit par trouver des torts, ce sera des deux côtés.

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