En principe, les patients devaient y gagner sur tous les tableaux. D'une part, ils n'auraient plus à payer de supplément lorsqu'ils reçoivent un service en clinique ou en cabinet plutôt qu'à l'hôpital. D'autre part, les échographies effectuées par des radiologistes en clinique privée seraient désormais payées par l'assurance-maladie. Moins de frais supplémentaires, plus de services couverts, c'est tout à l'avantage de la population

En pratique, hélas, ça ne se passe pas aussi bien que ça. Les négociations houleuses ont des effets secondaires indésirables pour les patients. Des services jusqu'à tout récemment offerts en cabinet et en clinique privée n'y sont plus disponibles.

Les patients qui veulent obtenir une échographie avec leur carte d'assurance-maladie se font dire de s'inscrire sur les listes d'attente des hôpitaux. Idem pour certains examens auparavant frappés de frais accessoires très importants, comme la coloscopie et la gastroscopie. Des prélèvements qui se faisaient dans le cabinet de médecins de famille pourraient aussi ne plus y être offerts.

Frustrant ? Oui, mais qu'on ne s'y trompe pas. Ce qu'on voit actuellement, ce n'est pas une perte d'accès, mais bien l'état réel de l'accès dans notre système public.

Sans les médecins qui se sont organisés pour multiplier les services en clinique privée, sans les gouvernements qui leur ont facilité la tâche en fermant les yeux sur les frais accessoires, il n'y aurait pas grand-chose à négocier aujourd'hui. Et si l'offre s'est développée de cette façon qui donne tant de fil à retordre, c'est parce que ça faisait l'affaire de bien du monde.

 - Des médecins qui pouvaient proposer une solution de rechange à leurs patients tout en exerçant, et en facturant, la profession pour laquelle ils ont été formés ;

 - De l'État, qui pouvait offrir des services à bon compte - en payant seulement les honoraires des médecins bonifiés de frais de cabinet, et non tout le personnel et l'environnement du réseau public ;

 - Des élus, qui s'enlevaient un peu de la pression créée par les listes d'attente.

D'ailleurs, si d'autres pressions encore plus grandes ne s'étaient pas fait sentir (la colère et les poursuites des patients, les menaces du fédéral), aucun gouvernement ne se serait attaqué à ça. Non sans raison.

Cette offre complémentaire s'est développée un peu n'importe comment, en fonction des possibilités plus que de toute autre considération. Vouloir faire rentrer tout ce beau monde dans le rang, c'est comme essayer de remettre du dentifrice dans son tube : c'est salissant et ça prend du temps.

Est-ce que ça va se régler? Forcément. Mais comme avec le dentifrice, on n'arrivera pas à tout récupérer. Les coloscopies et les gastroscopies couvertes par la RAMQ finiront sans doute par être offertes seulement dans les hôpitaux. Les patients se feront encore facturer certains services parce que ceux-ci ne sont pas couverts par le régime public. Et quand les radiologistes, après s'être enfin entendus avec le ministre, recommenceront à offrir des échographies en cabinet, l'attente sera plus longue que lorsque les patients payaient l'examen de leur poche.

À la fin du compte, la couverture de la carte soleil devrait quand même s'en trouver un peu bonifiée, et ce, sans coûts supplémentaires pour les contribuables, parce que la facture sera absorbée à même la masse salariale déjà accordée aux médecins. Du moins, on l'espère, parce que c'est ce qu'on nous a promis.

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