Avec encore près d'un million de patients orphelins, les médecins de famille ont pris du retard sur l'entente conclue avec Québec. C'est encore récupérable, assurent les deux parties. On le leur souhaite car sinon, les patients ne seront pas les seuls perdants dans cette affaire. Le gouvernement, comme le syndicat des médecins, risque gros en cas d'échec.

Au 31 décembre 2017, 85 % des Québécois devront avoir un médecin de famille. Il reste donc plus de 969 000 patients à caser, a indiqué le ministre de la Santé Gaétan Barrette mardi. Non seulement on est encore loin du compte, mais on est aussi au-dessous des cibles intérimaires établies dans l'entente, a-t-on appris. Au 30 juin dernier, alors que près des trois quarts de la population (74 %) auraient dû avoir un médecin de famille, on était seulement à 72,1 %. Et aux dernières nouvelles, à la mi-septembre, on était seulement à 72,7 %.

Le fameux guichet unique où les patients orphelins sont invités à s'inscrire déborde. Plus de 492 000 Québécois y attendent un médecin, soit 17 000 de plus qu'à la fin juin. Et malheureusement, les médecins ne l'utilisent pas beaucoup, confirment les chiffres que nous avons obtenus du ministère de la Santé et de la Régie de l'assurance maladie.

Plus de la moitié (55 %) des Québécois ayant trouvé un médecin de famille depuis la création de ce guichet* n'y étaient même pas inscrits. Et c'est sans compter tous ceux qui, bien qu'inscrits, ont trouvé leur médecin eux-mêmes - sans quoi ils attendraient peut-être encore.

« J'ai confiance que les médecins vont se rendre à destination, c'est parfaitement faisable », a néanmoins indiqué le ministre de la Santé. Il presse la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) d'user de son autorité morale.

« J'ai demandé aux membres de retourner chercher des patients dans le guichet et à nos associations de continuer leurs interventions sur le terrain », répond le président de la FMOQ, Louis Godin.

Selon le ministre Barrette, les deux tiers des médecins de famille sont au-dessous des objectifs de mi-parcours. Il les invite à accélérer l'inscription de nouveaux patients. Le président de la FMOQ, de son côté, demande au ministre d'améliorer le fonctionnement du guichet et de fournir aux groupes de médecine de famille les infirmières et travailleurs sociaux promis.

Ça se renvoie encore la balle, mais on ne sent plus la même volonté d'écraser l'adversaire. La vérité, c'est que personne ne peut sortir gagnant d'un échec de cette entente.

La cible de 85 %, on le sait, est une bombe à retardement. À défaut de l'atteindre, c'est la Loi 20 qui se déclenchera.

Outre les pénalités financières qui seraient infligées aux médecins en défaut, cette loi contient tout un arsenal de mesures contraignantes et punitives que la FMOQ veut à tout prix éviter. Mais certaines dispositions seraient aussi désastreuses pour le ministre Barrette et son gouvernement. Le système de prise de rendez-vous que la Régie de l'assurance maladie devrait implanter à l'intention de tous les Québécois, par exemple. Un autre système informatique gouvernemental centralisé ? On n'arrive même pas à imaginer comment ça pourrait bien se passer.

« La société vous regarde, elle me regarde », a lancé le Dr Barrette aux omnipraticiens.

De fait, si les Québécois se font encore dire, à la fin de 2017, qu'ils doivent attendre plus d'un an avant d'avoir un médecin, ils se ficheront pas mal de savoir qui, du gouvernement ou du corps médical, est à blâmer pour cet échec. Il n'y en a pas un qui s'en sortira la tête haute.

* Du 11 avril (entrée en service du guichet) au 16 septembre 2016.

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