Après 10 ans à affronter les rouages de la fonction publique pour régler les problèmes des Québécois, la protectrice du citoyen tire la sonnette d'alarme : l'État doit arrêter de gaspiller ses ressources dans la bureaucratie. Par où commence-t-on ?

Il faut réduire la bureaucratie et préserver toutes les ressources dans le service direct à la population, a déclaré Raymonde Saint-Germain en présentant son dernier rapport annuel.

Délais délirants, soutien à domicile inadéquat, enfants immigrés à statut précaire exclus du système scolaire... La protectrice avait pourtant l'embarras du choix : son catalogue des horreurs déborde, comme à l'habitude, d'exemples à monter en épingle. Elle a plutôt choisi de dénoncer la corrosion qui ronge l'appareil de l'État. Réduire la bureaucratie est le plus grand défi qui se pose actuellement aux services publics, et si le gouvernement n'avait qu'une recommandation à mettre en oeuvre immédiatement, ce serait celle-là, a-t-elle indiqué en conférence de presse.

Raymonde Saint-Germain ne fait pas dans l'enflure verbale, ne hausse pas le ton, ne met pas son poing sur la table. Mais ce dont elle témoigne est terrible et doit être entendu.

Ce gaspillage sournois prend de multiples formes. Par exemple : 

- L'obligation de faire remplir plusieurs formulaires médicaux différents pour une même affection (avec le temps du médecin et les frais au patient que cela suppose) parce que les divers services gouvernementaux ne sont pas fichus d'avoir un formulaire commun.

- La multiplication des contrôles sans égard à leur gestion, comme le faneux relevé 31 pour les prestataires du crédit d'impôt pour solidarité, qui a engorgé les lignes de Revenu Québec et l'a forcé à engager des employés temporaires.- Des règles rigides qui entraînent des recours inutiles aux tribunaux, avec les coûts que ça implique pour l'État. On le voit notamment à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) où des demandeurs sont forcés d'aller devant le Tribunal administratif du travail même si la Commission admet ses erreurs, parce que les délais ou les conditions pour les corriger sont dépassées.

Raymonde Saint-Germain ne blâme pas les fonctionnaires mais plutôt la culture de travail dans laquelle ils baignent, où leur performance est jugée en fonction du respect des budgets et non des services fournis à la population. Cela amène une interprétation rigide, voire abusive, des lois, et toutes sortes d'initiatives aberrantes (tarifs de stationnement exorbitants dans les hôpitaux, nivellement de l'offre de services à domicile par le bas, etc.) qui alimentent le bureau des plaintes du Protecteur.

Ce n'est pas une fatalité. Après des interventions de la protectrice et des jugements des tribunaux contre les pratiques abusives de Revenu Québec, le ministre des Finances a exigé, et obtenu, des correctifs de l'Agence. C'est bien, mais il ne faut pas s'arrêter là.

L'État québécois a entamé il y a plusieurs années un grand exercice d'allègement réglementaire et administratif à l'intention des entreprises. Qu'attend-on pour faire la même chose au bénéfice de l'appareil gouvernemental ? L'initiative n'a pas fait disparaître toute la paperasse imposée au secteur privé, loin de là. Mais au moins, elle impose une certaine réflexion avant d'en rajouter. Les projets de loi ou de règlement touchant les entreprises doivent ainsi faire l'objet d'une analyse d'impact qui en évalue les coûts et propose des mesures d'accompagnement.

À quand une estimation du nombre d'heures de service qui disparaîtront si l'on impose une reddition de comptes additionnelle à des professionnels de la santé, des services sociaux ou de l'éducation ? À quand un peu de retenue dans la bureaucratie ?

Il faudrait bien commencer quelque part.

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