L'orgie d'émissions et d'images de nourriture qui déferlent sur nos écrans vous tombe sur les rognons ? Vous n'êtes pas au bout de vos peines, car le mouvement est en pleine effervescence. Toutefois, il y a peut-être une lueur d'espoir : quand une tendance est à son apogée, elle ne peut que redescendre.

Lorsque l'expression « pornographie alimentaire » (food porn) a commencé à se répandre il y a plusieurs années, elle servait beaucoup à désigner des photographies de nourriture mises en scène de manière tellement léchée que c'en devenait presque indécent. Le terme est aujourd'hui utilisé à toutes les sauces et accolé à n'importe quelle image de nourriture, qu'elle provienne d'un chef ou d'amateurs. L'expression évoque aussi la prolifération des émissions, livres et autres revues de cuisine que beaucoup se contentent de regarder sans mettre la main à la pâte.

Notre époque n'a rien inventé.

Après avoir inventorié les aliments représentés dans 140 peintures de repas réalisées sur une période de 500 ans en France, en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne et aux États-Unis, des chercheurs américains ont conclu, non sans surprise, que le contenu des tableaux n'était pas représentatif de leur époque, même pour des familles aisées. Les pommes, les poissons et les fruits de mer, par exemple, sont surreprésentés alors que le pain est sous-représenté. Le citron est aussi omniprésent. 

« Les peintures ont tendance à montrer des repas avec des aliments prestigieux, agréables à l'oeil, difficiles à peindre, ou qui avaient une signification culturelle, religieuse ou politique pour un public averti », notent les chercheurs.

La différence, c'est qu'il est devenu drôlement plus facile de capturer et de partager des images de repas. « On compte environ 170 millions d'entrées associées avec #food et 80 millions avec #foodporn sur Instagram », signale la publication spécialisée dans la pub et le marketing Adweek. Surfant sur la vague, le magazine vient de créer un palmarès des 30 personnalités les plus influentes en bouffe.

Et il y a de la relève. Plus de la moitié des jeunes qui ont atteint l'âge adulte depuis le début du millénaire se considèrent comme des foodies, montre une enquête menée pour le groupe Havas auprès de quelque 12 000 répondants dans le monde.

Plusieurs vedettes culinaires d'Instagram, le réseau de partage de photos appartenant à Facebook, ont d'ailleurs commencé à essaimer vers son jeune concurrent Snapchat.

Cet exhibitionnisme culinaire a tout de même de bons côtés. Il incite à faire des découvertes et contribue à faire connaître des chefs et des artisans. Certains peuvent aussi y trouver une source de motivation pour cuisiner davantage, mais ils ne sont pas légion. La part du budget alimentaire dépensée en épicerie plutôt qu'au restaurant n'a pas bougé depuis cinq ans, et ça inclut le prêt-à-manger acheté au supermarché, montrent les chiffres de Statistique Canada.

Aussi incroyable ça puisse sembler aujourd'hui, la porno alimentaire finira par s'essouffler et, comme toutes les modes, elle nous paraîtra un peu risible avec le recul. On a d'ailleurs déjà vu plusieurs parodies au cours des dernières années. Ce qui est nouveau, par contre, c'est qu'une grande marque s'y mette aussi, alors qu'historiquement, elles ont plutôt cherché à capitaliser sur la tendance. Cette nouvelle pub d'un célèbre géant du meuble suédois fait d'ailleurs un lien étonnant entre les peintures classiques dont il est question plus haut et l'exhibitionnisme actuel.

La bulle de la bouffe serait-elle en train de se dégonfler ? C'est à suivre.

Photo Thinkstock

« L’expression " foodporn " évoque la prolifération des émissions, livres et autres revues de cuisine que beaucoup se contentent de regarder sans mettre la main à la pâte », écrit notre éditorialiste.

PEINTURE DE PIETER CLAESZ, 1627

« L’expression “foodporn” évoque la prolifération des émissions, livres et autres revues de cuisine que beaucoup se contentent de regarder sans mettre la main à la pâte », écrit notre éditorialiste.

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