L'affaire a été un peu éclipsée par la crise du ministère des Transports, mais elle n'en est pas moins pressante. Elle brille en toutes lettres dans un procès-verbal du conseil d'administration d'Investissement Québec, où le patron de la société d'État affirme que Jacques Daoust, alors ministre de l'Économie, avait donné son accord à la vente des actions de Rona, ce que nie ce dernier. Qui dit vrai ? La commission parlementaire chargée de tirer les choses au clair doit convoquer les parties au plus vite.

« M. Lafrance [alors PDG par intérim d'Investissement Québec] fait état de l'accord donné par le ministre responsable de la Société relativement à la vente de la totalité des actions de Rona », montre l'extrait du procès-verbal du 15 décembre 2014, déposé à l'Assemblée nationale mardi par le chef de l'opposition officielle Sylvain Gaudreault.

C'est sans ambiguïté. Et c'est tout le contraire de la version du ministre Daoust.

Celui-ci maintient qu'il n'a pas approuvé ce désinvestissement. Plus encore, il affirme ne pas avoir été informé de l'intention du conseil. Interpellé cette semaine, le premier ministre Couillard a dit s'en remettre à la commission parlementaire qui entendra les parties.

La Commission de l'économie et du travail n'a pas encore établi l'horaire des audiences mais avec la session qui se termine aujourd'hui, on ne s'attend pas à ce que ce soit avant août. C'est inacceptable. La contradiction est trop choquante pour être laissée en suspens. Si les députés pensent pouvoir aller faire griller des hot-dogs dans leur circonscription sans se faire poser des questions sur Rona et le ministère des Transports par les électeurs, ils les sous-estiment. L'écheveau des Transports s'annonce touffu. Par contre, il ne devrait pas être difficile de déterminer qui, de MM. Daoust et Lafrance, dit vrai dans cette affaire. Il faut crever l'abcès.

Le gouvernement répète que le ministre de l'Économie n'avait pas à autoriser la transaction. Peut-être. Mais on s'attend à ce que le ministre responsable d'une société d'État s'assure d'être, au minimum, tenu au courant des dossiers importants.

Or, la participation d'Investissement Québec (IQ) dans Rona était tout sauf banale. Elle a été prise en réaction à l'offre d'achat hostile de l'américaine Lowe's en 2012. L'administration libérale de l'époque a dû adopter un décret pour permettre à IQ d'investir autant dans une seule entreprise.

On comprend que le conseil, en autorisant la vente de toutes les actions de Rona, ait tenu à préciser « sous réserve d'une consultation préalable auprès du ministre responsable de la Société », comme en témoigne le procès-verbal du 17 novembre 2014. Et que l'accord du ministre transmis à la réunion suivante l'ait conforté dans leur décision. D'autant qu'Yves Lafrance n'est pas le dernier venu. Avant cet intérim de PDG, il était déjà vice-président principal aux financements mandataires d'IQ depuis 2011.

La commission permettra d'éclairer la version de M. Lafrance. Sur les autres aspects de ce désinvestissement, par contre, les partis de l'opposition risquent d'être déçus.

Les procès-verbaux des réunions du conseil d'IQ pour les années 2014 et 2015, que La Presse a obtenu copie, ne suggèrent aucunement que les administrateurs aient obéi à une commande politique. Au contraire, c'est plutôt le point de vue financier qui revient constamment.

IQ aurait-elle dû garder sa participation pour pouvoir s'opposer à Lowe's un an plus tard ? C'est oublier que la Caisse de dépôt, détentrice de 17 % de Rona, a alors accepté de déposer ses actions, signalant par là que la nouvelle offre était beaucoup plus avantageuse, et que les perspectives de croissance de Rona étaient limitées. On voit mal comment l'analyse du conseil d'IQ aurait pu être différente.

- Avec la collaboration de Michel Cusson

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