Tel que promis, le premier budget du ministre des Finances Bill Morneau fait la part belle aux grands travaux prêts à démarrer rapidement. Pour les investissements censés redéfinir l'économie, par contre, il faudra attendre.

Trouver des projets « prêts-à-pelleter » n'est jamais un problème. Les tiroirs des provinces, des municipalités, des institutions et des entreprises débordent. Lesquels privilégier ?

Le ministre a regardé dans deux directions : les besoins criants, et sa cour - c'est-à-dire les institutions et programmes fédéraux. Bonne idée, il réduit de beaucoup les risques de financer des éléphants blancs.

Impossible, en effet, de nier que les municipalités, tout comme les réserves autochtones, ont accumulé de graves retards en matière d'aqueducs, d'eau potable et de traitement des eaux usées. Que les transports en commun, les logements abordables et les refuges pour les victimes de violence manquent dans les villes. Et que les réserves autochtones ont grand besoin d'installations récréatives et de logements supplémentaires. Les conditions de vie dans plusieurs réserves ne sont pas seulement inadmissibles, elles sont un embarras pour ce gouvernement qui essaie de redorer l'image du Canada sur la scène internationale. À défaut de résultats instantanés, il pourra au moins montrer, chiffres à l'appui, qu'il s'attaque aux problèmes.

Conscient qu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même, le fédéral a aussi décidé de consacrer 3,4 milliards sur cinq ans à l'entretien et à la rénovation de ses propriétés, parmi lesquelles des parcs nationaux, des musées, des ports de pêche et de plaisance, des aéroports éloignés, comme celui des Îles-de-la-Madeleine, et des labos. Des travaux qui présentent un double avantage : ils sont d'intérêt public et ne nécessitent pas de signer des accords avec d'autres ordres de gouvernement.

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À plus long terme, l'administration Trudeau ne vise rien de moins que de « faire du Canada un centre de l'innovation mondiale ». Encore là, difficile d'être contre le principe. La chute simultanée des cours du pétrole et des autres ressources naturelles, couplée à la disparition de grands pans du secteur manufacturier, nous rappelle la nécessité d'avoir d'autres activités, moins cycliques et moins susceptibles d'être délocalisées à l'étranger, sur lesquelles compter.

Cette fois, cependant, le ministre Morneau n'a pas (encore) de plan. Son budget envoie des signaux positifs, notamment sur le financement de la recherche. Impossible, toutefois, de juger de son ambitieux programme d'innovation : il sera défini au cours des deux prochaines années. Même une initiative dévoilée mardi, comme les 800 millions sur quatre ans pour soutenir une nouvelle stratégie de « réseaux » et « grappes », ne sera pas détaillée avant plusieurs mois.

La répartition de certaines enveloppes serait toutefois beaucoup plus avancée que ne le laisse paraître le budget. C'est le cas, nous dit-on, du nouveau programme court (2 milliards en trois ans) pour les infrastructures des établissements postsecondaires, pour lequel les équipements universitaires seraient déjà désignés.

Avec ces projets, et tous ceux financés dans la première phase de son plan d'infrastructure de 11,9 milliards sur cinq ans, le gouvernement Trudeau se ménage une belle série d'annonces et de rubans à couper d'ici les prochaines élections. Reste à voir dans quelle mesure ces chantiers rempliront leur mission première, qui est de susciter une activité économique importante à court terme.

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