Annoncée en catimini dans le budget, la disparition du commissaire à la santé est une grave erreur qui priverait les Québécois d'une source d'information indépendante essentielle sur leur système public de santé. Le gouvernement Couillard doit y renoncer.

Ce chien de garde, rappelons-le, avait été promis par le Parti libéral durant la campagne électorale de 2003.

« ll s'agit d'ajouter au caractère d'imputabilité du système de santé et de services sociaux [...] notamment en ce qui a trait à la qualité et l'accessibilité des services, étant donné la complexité des enjeux en cause et les voix discordantes », avait plaidé Philippe Couillard, alors ministre de la Santé, en présentant des amendements à son projet de Loi sur le commissaire à la santé et au bien-être.

Plusieurs dispositions de la Loi contribuent d'ailleurs à sa crédibilité.

 - Le commissaire est choisi parmi une liste de candidats soumise par un comité composé pour moitié de députés et pour l'autre de délégués de la santé et des services sociaux - dont un représentant de la population et un éthicien ;

 - Sa responsabilité n'est pas seulement d'informer le ministre, mais les Québécois. Il doit notamment évaluer la performance et la pertinence du système de santé et publier des données qui favorisent le débat ;

 - Ses rapports, contrairement à bien d'autres, doivent être rendus publics dans les 30 jours.

Le commissaire Robert Salois, qui prend sa retraite en août, ne s'est d'ailleurs pas gêné pour dénoncer la décision du gouvernement.

Certes, le premier rapport du commissaire, qui n'amenait rien de nouveau sur le système de santé, nous avait déçus. L'institution s'est largement reprise depuis. Ses travaux des dernières années fournissent un éclairage précieux.

On pense notamment aux enquêtes internationales du Fonds du Commonwealth, pour lesquelles le commissaire finance un échantillon plus volumineux afin de pouvoir comparer le Québec aux autres provinces et pays participants. Ce regard externe nous rappelle les nombreux éléments qui laissent à désirer.

Citons aussi le rapport sur la procréation assistée, pour lequel le commissaire, en obtenant des chiffres qui avaient été refusés aux médias, a enfin pu exposer les effets réels de ce programme.

Les travaux en cours continuent à témoigner de la pertinence de la fonction. Qui d'autre, au sein de l'appareil québécois, se serait intéressé sérieusement et publiquement au mode de rémunération des médecins ? Deux recherches ont été commandées. Les rapports, que nous attendons avec impatience, sont prévus au tournant de l'année. Sans commissaire, c'est la tablette assurée.

Qu'arrivera-t-il de la consultation sur l'offre de services assurés, dont nous vous avons parlé récemment ? De l'étude sur les urgences, dont les recommandations s'inspirent des meilleures pratiques au Québec ? De l'analyse des plaintes contre les établissements ? Du rapport sur l'hébergement des aînés vulnérables ?

Québec a prévu répartir les activités du commissaire entre l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) et le ministère. Aucun n'a l'indépendance ni la sensibilité voulues pour jouer son rôle.

La santé et les services sociaux accaparent près de la moitié des dépenses de programme au Québec. À chaque élection, ces sujets figurent en tête des préoccupations exprimées dans les sondages. Dans ce contexte, un commissaire doté de l'indépendance et des responsabilités que lui confère la loi actuelle est une nécessité. Philippe Couillard l'avait bien compris lorsqu'il a créé cette fonction il y a plus de 10 ans. Espérons que c'est encore le cas aujourd'hui.

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