Quand le niveau de l'eau est élevé, tout le monde flotte sans trop de souci. Quand la mer se retire, par contre, il faut manoeuvrer avec plus d'habileté. Privée du soutien massif de ses ressources naturelles, l'économie canadienne surnage à grand-peine. On n'est pas encore à pied sec, mais on voit bien que le fond est un peu dénudé.

La timide progression de 0,8 % enregistrée à la fin de 2015 a été accueillie comme une bonne surprise, c'est tout dire. Le produit intérieur brut réel en taux annualisé du quatrième trimestre est préférable à la stagnation attendue, mais en fin de compte, les chiffres publiés hier par Statistique Canada sont assez moroses. La croissance du PIB réel n'a pas dépassé 1,2 % pour l'ensemble de l'année, moins de la moitié de la performance de 2014 (2,5 %).

Les chiffres de décembre, qui manquaient pour compléter le portrait, témoignent des difficultés du secteur des ressources naturelles. L'extraction minière, pétrolière et gazière, a perdu 0,7 % en décembre et 3,5 % sur l'ensemble de 2015. Conséquence de la baisse de la demande dans le montage et le forage, les activités de soutien à l'extraction ont diminué de 7,4 % en décembre. Et comme on le craignait, le temps des Fêtes a été tranquille dans les magasins. Le commerce de détail a perdu 1,8 % en décembre. Et ce n'est pas seulement à cause du fameux Vendredi fou (« Black Friday ») de novembre, car le recul dépasse le gain enregistré ce mois-là (1,5 %).

Bref, de quoi amener de l'eau supplémentaire au moulin du ministre fédéral des Finances, qui ne manque pas une occasion de faire mousser son plan de relance. Mais les stimuli, comme chacun sait, n'ont pas tous le même effet.

S'il est important d'avoir des projets prêts à pelleter pour générer de l'activité économique rapidement, il faut se garder de mettre tous nos oeufs dans ce panier.

Ce ne sera pas facile, car les demandes viendront de partout. À elles seules, les municipalités québécoises ont pour plus de 400 millions de dollars d'infrastructures de loisirs et de sport dans leurs cartons, nous signalait récemment l'Union des municipalités en rencontre éditoriale. Malheureusement, l'effet stimulant de tels équipements ne dure que le temps de leur construction. Ils ne contribuent pas à transformer l'économie en profondeur, en créant par exemple des emplois innovants pour contrebalancer les pertes dans les ressources naturelles et les secteurs manufacturiers traditionnels. Pourtant, c'est surtout cela que nous avons besoin.

Le gouvernement Trudeau y a fait quelques allusions, évoquant notamment la robotique, les biotechs et la nécessité d'améliorer la productivité. Il a aussi annoncé la création d'un comité-conseil sur la croissance, et promis une nouvelle stratégie économique d'ici la fin de l'année. C'est encourageant, mais vague.

Le ministre des Finances Bill Morneau livrera son premier budget dans moins de trois semaines. On sait déjà que le déficit sera au moins deux fois plus important que les 10 milliards annoncés en campagne, et que les budgets suivants seront également déficitaires, afin d'investir dans des efforts de relance économique. C'est nécessaire, mais on demande à voir.

Le ministre devra démontrer comment il entend soutenir le développement de secteurs et d'entreprises capables de prendre le relais des ressources naturelles, et pas seulement en attendant que les cours remontent. Au contraire, il faut miser sur des emplois qui demeureront attrayants lorsque l'exploitation pétrolière, gazière et minière sera de nouveau en mesure d'offrir des conditions alléchantes, et qu'on sera bien contents d'avoir encore lors du prochain cycle baissier.

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