Il n'y a pas assez de preuves pour porter des accusations de négligence criminelle contre qui que ce soit en lien avec l'incendie de la Résidence du Havre, a annoncé le directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) lundi. Heureusement, on n'a pas attendu après la justice pour tirer les leçons de ce drame. Ce travail-là n'est cependant pas terminé.

Un voile de mystère plane toujours sur le brasier qui a ravagé la Résidence du Havre par une nuit de janvier 2014. L'enquête policière a établi que le feu s'était déclaré dans la cuisine, mais ni la cause ni même le premier combustible n'ont pu être déterminés.

Ce qui n'a rien de mystérieux, toutefois, c'est la combinaison de facteurs qui a coûté la vie à 32 personnes âgées. Un édifice hautement combustible dépourvu de gicleurs, habité par une clientèle très lourde, dans une zone où les pompiers ne peuvent arriver rapidement et n'ont pas la formation pour intervenir efficacement... Certes, les risques qu'un incendie éclate en pleine nuit étaient minces. Les probabilités qu'un tel accident vire au drame étaient par contre très élevées.

La prévention semble toujours trop chère, jusqu'à ce qu'on voie ce qu'il en coûte de la négliger.

De multiples incendies, dont plusieurs mortels, avaient pourtant montré la vulnérabilité des aînés en résidence.

Il a malheureusement fallu près de 20 ans et, surtout, 32 victimes d'un coup, pour qu'on en tienne réellement compte.

La plupart des résidences existantes et à venir devront se munir de gicleurs. La classification sera aussi revue en fonction de l'intensité des services offerts. Malheureusement, certaines des normes envisagées risquent encore de nous réserver de bien mauvaises surprises.

Le projet de règlement sur la certification des résidences privées pour aînés permettrait par exemple de confier la surveillance à des résidants. La Protectrice du citoyen et l'Association des chefs en sécurité incendie du Québec (ACSIQ) s'opposent à cette idée, que nous avons également dénoncée dans nos pages. L'exemption a beau se limiter aux établissements de moins de 50 unités sans services de santé, ce modèle de sécurité à deux vitesses n'a rien de rassurant.

Québec a voulu tenir compte des contraintes financières des petites résidences privées et sans but lucratif, et éviter qu'elles ne désertent le système de certification. Mais comme le souligne l'ACSIQ dans sa lettre au ministre de la Santé, « advenant un incendie avec décès [...] veut-on voir des résidants se présenter à la barre des témoins afin d'expliquer ce qui est survenu et pourquoi ils n'ont pu appliquer le plan de sécurité incendie ? ».

Les réflexes sont tenaces. Aujourd'hui, la dépense paraît démesurée par rapport au risque. Et demain, que dira-t-on si l'improbable se produit ? Si des personnes âgées n'ont vraiment pas le choix de se loger à ces conditions, il faudra au moins s'assurer qu'elles sont conscientes des risques et avoir la décence de ne pas s'étonner si jamais ça tourne mal.

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