La hausse d'impôt fédéral sur les revenus les plus élevés ne compensera pas entièrement les réductions accordées au deuxième palier d'imposition, créant un manque à gagner de 1,2 milliard de dollars par an, a-t-on appris cette semaine. L'objectif de garder le déficit sous la barre des 10 milliards de dollars semble aussi avoir été abandonné. Si ces deux montants ne sont pas dramatiques en soi, ils n'ont rien de rassurant non plus. Les électeurs ont accepté le principe d'un déficit modeste, ils n'ont pas pour autant donné carte blanche au gouvernement.

Comme promis en campagne, les Canadiens dont le revenu personnel dépasse les 200 000$ seront assujettis à une nouvelle tranche d'imposition de 33%, et ceux qui gagnent entre 45 282 et 90 563$ verront leur taux diminuer de 22 à 20,5%, a confirmé le ministre des Finances Bill Morneau, lundi. Mais contrairement à ce que promettait la plateforme libérale, ceci ne financera pas cela.

Même en tenant compte de la baisse du plafond de cotisations au compte d'épargne libre d'impôt (CELI) et d'autres ajustements, ces mesures auront un effet négatif d'environ 1,2 milliard de dollars par an sur le Trésor public. La différence s'explique notamment par le «facteur de prudence» utilisé pour tenir compte du recours aux stratégies de planification fiscale, plus prononcé dans les calculs du ministère des Finances que dans celui des libéraux.

La plateforme évoquait aussi un «modeste déficit à court terme de moins de 10 milliards de dollars au cours des deux prochains exercices». Le premier ministre Justin Trudeau s'est distancé de cette cible hier. Tout comme son ministre des Finances, il a plutôt mis l'accent sur d'autres objectifs annoncés en campagne, soit l'atteinte de l'équilibre budgétaire à la quatrième année du mandat et la réduction du rapport entre la dette et le produit intérieur brut (PIB).

Que les chiffres ne tombent pas exactement là où on les attendait n'étonne pas outre mesure. Sur les principes, par contre, c'est décevant.

L'équipe Trudeau avait joué d'audace en ne promettant pas l'équilibre budgétaire dès l'an prochain. Les électeurs ont montré qu'ils étaient capables de vivre avec un tel scénario, du moins dans les paramètres énoncés. En abandonnant des éléments-clés de l'équation, ce gouvernement étire sérieusement l'élastique. Et cet élastique-là n'est pas extensible à l'infini. Près de la moitié des Canadiens considèrent que faire un déficit pour stimuler l'économie n'est pas une bonne idée, indique le sondage internet Angus Reid publié la semaine dernière.

Si le plafond de 10 milliards ne tient plus, sera-t-il remplacé ? La question est d'autant plus préoccupante qu'avec la chute des cours du pétrole, les revenus aussi risquent de dévier des prévisions. Accepter le principe d'un modeste déficit ne signifie pas applaudir à n'importe quel déficit. Ce gouvernement doit dire où il loge, et ne pas attendre son budget du printemps pour le faire.

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