Pauvreté et maladie, on le sait, sont étroitement liées : la lutte pour joindre les deux bouts s'accompagne souvent d'ennuis de santé. Ce problème, toutefois, va bien au-delà des ménages touchés. Il nous coûte très cher en fonds publics, montre une étude publiée hier dans le Journal de l'Association médicale canadienne.

« L'insécurité alimentaire d'un ménage est un solide indicateur de l'utilisation et du coût des services de santé », souligne Valerie Tarasuk, auteure principale de l'article et professeure au département de sciences nutritionnelles à l'Université de Toronto.

C'est la première fois que des chercheurs mettent un prix sur le phénomène. Pour ce faire, ils ont recoupé deux sources de données. L'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de Statistique Canada a fourni le degré de sécurité alimentaire de quelque 67 000 Ontariens. Et l'Institute for Clinical Evaluative Sciences, qui recense toutes les interactions avec le système de santé ontarien, a permis de connaître les services utilisés - en préservant évidemment l'anonymat des sujets.

Les résultats sont frappants. Plus un individu est touché par la faim, plus il coûte cher au système. Les Ontariens vivant une insécurité alimentaire dite marginale (choix de nourriture limités ou peur d'en manquer) ont coûté en moyenne 16 % de plus (235 $) que ceux n'ayant pas de soucis alimentaires. En insécurité modérée (qualité ou quantité de nourriture compromises), ils ont occasionné 32 % (455 $) plus de dépenses. Et dans les cas les plus graves (repas sautés ou journées entières sans manger), la note bondit de 76 % (1092 $).

L'insécurité alimentaire est parfois la conséquence, et non la cause, de problèmes de santé, mais c'est loin d'être la norme. Seulement 16 % des Canadiens souffrant d'insécurité alimentaire vivent dans un foyer dont le budget repose sur l'aide sociale, et une partie seulement sont inaptes au travail. La majorité (62 %) sont des salariés ou des travailleurs autonomes.

D'autres études ont fait ressortir les effets de l'insécurité alimentaire sur la santé des individus - asthme et dépression chez les jeunes, maladies chroniques, troubles de santé mentale et santé plus fragile chez les adultes, entre autres. Par contre, c'est la première fois qu'on mesure ce que la faim nous coûte collectivement.

L'équation est lourde de conséquences pour les finances publiques. En particulier au Québec, où beaucoup de petits salariés sont couverts par le régime public d'assurance médicaments.

Que faire ? Selon Mme Tarasuk, il faudrait augmenter suffisamment les revenus des particuliers pour les sortir de l'insécurité alimentaire, un peu comme le font la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti pour les personnes âgées. Bref, une forme de revenu minimum garanti.

Si l'équation est simple, elle n'est pas facile à défendre au point de vue politique. Dans l'immédiat, il vaudrait mieux miser sur des initiatives qui aident les gens à se sortir de la pauvreté. Mais si l'on veut que les sommes investies donnent des résultats, il faut répondre aux besoins réels des principaux intéressés, montre une expérience rapportée dans le New York Times en fin de semaine. La stratégie déployée à Houston a permis à des milliers d'immigrés d'acquérir des compétences concrètes avec lesquelles ils ont augmenté leurs revenus.

Quand vient le temps d'équilibrer les budgets, les élus ont tendance à croire que toutes les compressions se valent. Mais couper dans des secteurs qui contribuent à réduire la pauvreté, comme l'éducation, est un très mauvais calcul. Comme on le voit en Ontario, c'est le système de santé qui ramasse les pots cassés.

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