Les ententes de plus en plus contraignantes imposées aux pharmaciens-propriétaires menacent leur indépendance professionnelle, dénonce le Conseil de la protection des malades (CPM). Une tendance inquiétante.

Le mémoire, publié la semaine dernière par le CPM, critique notamment les clauses qui obligent le pharmacien à privilégier la marque privée de son distributeur ou de son enseigne lorsqu'il commande des médicaments génériques d'ordonnance.

Le syndic de l'Ordre a d'ailleurs longuement enquêté sur le phénomène. Des pharmaciens pourraient écoper de sanctions au cours des prochains mois.

Les médecins, rappelons-le, n'ont pas le droit de vendre des médicaments afin d'éviter les conflits d'intérêts. Les pharmaciens-propriétaires étant à la fois des professionnels de la santé et des commerçants, des mesures ont été prévues pour éviter que le second rôle n'empiète sur le premier. Pour les médicaments prescrits, par exemple, la loi interdit au pharmacien de substituer un produit d'une entreprise dans lequel il a un intérêt.

Tenir en stock un générique plutôt qu'un autre peut sembler anodin, puisque ce sont tous des médicaments approuvés. Mais quand certaines marques donnent accès à des avantages financiers, on ne peut plus dire que le pharmacien est désintéressé.

C'est pourquoi le gouvernement ontarien refuse de rembourser les génériques « sous marque de distributeur » - ces marques qui ont un lien de dépendance avec des grossistes ou des pharmacies et qui ne produisent pas les molécules elles-mêmes.

« L'affiliation des fabricants de produits sous marque de distributeur avec les pharmacies serait susceptible de les rendre plus résistants aux mesures prises par l'Ontario pour promouvoir des prix moins élevés », a reconnu la Cour suprême.

Ce sont des enjeux majeurs qui nécessitent un examen approfondi. Le contexte actuel y est hélas peu propice, car la négociation sur les tarifs des actes professionnels des pharmaciens prend toute la place.

Dans un monde idéal, Québec ferait d'une pierre deux coups, et proposerait une entente satisfaisante en échange de la fin de certaines pratiques contractuelles. Sauf que les pharmaciens ne sont pas les seules parties à ces contrats ; une telle condition paraît difficilement réalisable à court terme. Or, tant que la négociation sur les tarifs ne sera pas réglée, les services de première ligne qu'on nous promet depuis des années (comme se faire prescrire certains médicaments directement par un pharmacien) ne seront pas offerts. Ce dossier traîne depuis beaucoup trop longtemps déjà, il faut en finir.

Les questions d'indépendance professionnelle et de mise en marché des génériques ne devront cependant pas être reléguées aux oubliettes. Au contraire : si le pharmacien exerce un rôle de prescripteur, il est encore plus important d'éviter toute apparence de conflit d'intérêts. Québec et l'Ordre des pharmaciens auront à en répondre.

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