Comment construire de nouvelles infrastructures de transports en commun sans entamer davantage votre crédit ? En trouvant un partenaire financier qui, contrairement à vous, pense pouvoir faire de l'argent avec ces services. Le nouveau véhicule présenté hier par le gouvernement Couillard et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) est séduisant, mais il sera à la merci de ceux qui tiendront les commandes.

Le plan est simple. Il consiste à doter la Caisse d'une nouvelle filiale, CDPQ Infra, pour pouvoir lui confier le financement, la réalisation et l'exploitation de futures lignes de transports en commun. En principe, tout le monde y gagne. Le gouvernement offre des services sans trop hypothéquer le Trésor public. Et la Caisse investit dans des projets qui lui fourniront des rendements à long terme.

Les deux premiers mandats (un système de transport collectif sur le futur pont Champlain, et un autre pour relier l'aéroport international au centre-ville et à l'ouest de l'île) coûteront 5 milliards. Des projets qui, autrement, n'auraient pas vu le jour ou auraient été moins intéressants, affirme le premier ministre. Dans l'état des finances publiques et depuis le temps que ça traîne, on n'a aucun mal à le croire.

Québec et la Caisse nous les promettent désormais pour 2020. On aura le temps de revenir sur l'échéancier et les fonds publics requis - le gouvernement peut prendre une participation financière, et il devra sûrement le faire pour ces deux chantiers. Ce nouveau modèle soulève des enjeux autrement plus vastes.

La Caisse n'est pas la seule capable de piloter de tels projets. Mais on souhaite bonne chance au premier ministre qui voudrait confier le transport urbain à une société d'ailleurs. Même si ça se fait en plusieurs endroits, ça ne passerait pas ici. Un service de transport urbain dont les tarifs, les horaires, les employés et les achats ne seront pas gérés au public constitue déjà une révolution. La Caisse, dont les rendements servent à grossir le bas de laine des Québécois, est bien la seule à pouvoir rendre ce virage acceptable.

Toutefois, cette proximité et cette parenté qui facilitent les choses risquent également de les rendre invivables.

Québec et la Caisse ont beaucoup insisté sur l'indépendance de celle-ci, qui pourra refuser les projets non rentables et gérer les autres comme elle l'entend. On ne doute pas de la coriacité de Michael Sabia ni de la sincérité de Philippe Couillard. Mais ces remparts ne seront pas toujours là. Les pressions, par contre, vont se multiplier.

Du choix des technologies et des fournisseurs à la tarification en passant par la gestion quotidienne, le potentiel de grogne est quasi infini. Même si la Caisse assure, et tient son bout, rien ne garantit que les élus en feront autant. À voir comment les différentes administrations se sont ingérées dans les tarifs d'Hydro-Québec, on parierait plutôt le contraire. On a beau nous promettre d'encadrer les rôles et pouvoirs de chacun, aucune loi n'est incontournable.

Le modèle est imaginatif, mais est-il réaliste ? Il a encore tout à prouver. Pour l'instant, donc, nous modérerons nos transports.

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