Les médecins payés par l'assurance maladie ont-ils le droit de faire des profits avec les médicaments et anesthésiants utilisés sur les patients ? C'est la question fondamentale que soulève un nouveau recours collectif sur la multiplication des frais infligés aux malades.

La logique semble bien implantée dans les cliniques : l'acte médical est couvert par la carte soleil, mais les substances nécessaires à l'intervention sont payables en sus par le patient. Les montants exigés vont de quelques dizaines de dollars pour des gouttes valant quelques cents l'unité à plus de 500 $ lors d'examens de gastro-entérologie.

La pratique est illégale, soutient une requête amendée récemment en Cour supérieure. Cette demande d'autorisation pour exercer un recours collectif cible une cinquantaine de médecins, de cliniques et d'optométristes. La Régie de l'assurance maladie (RAMQ) et le ministre de la Santé sont également accusés de « dénaturer le système public de santé québécois ».

Les manuels de la RAMQ autorisent les spécialistes exerçant en cabinet privé et les omnipraticiens à obtenir « compensation » pour des médicaments et des agents anesthésiques. Ceux-ci devraient cependant être vendus au coûtant et non à profit, fait valoir la requête en évoquant diverses dispositions du régime public. C'est loin d'être le cas avec les prix cités en preuve, qui ne reflètent pas les coûts des produits, mais semblent conçus comme une source de profits supplémentaires.

Et l'État, apparemment, n'y trouve rien à redire. La Loi sur l'assurance maladie interdit d'exiger ou de recevoir un paiement pour un service qui n'a pas été fourni conformément à une entente. Les contrevenants s'exposent à des amendes de 1000 à 5000 $. La firme Grenier Verbauwhede, qui pilote la requête, a demandé à voir les dossiers référés au Directeur des poursuites criminelles et pénales. Réponse de la RAMQ : il n'y en a pas eu. Les Québécois seraient sûrement intéressés à entendre leur gouvernement expliquer, et donc justifier, en quoi les frais actuels sont acceptables. Pour cela, il faudrait que le recours collectif soit autorisé. Hélas, rien n'est moins sûr.

Une procédure semblable avait été entamée par la même firme en 2011 au sujet des frais exigés lors du traitement de la dégénérescence maculaire. Une entente est survenue dans la semaine suivant le dépôt du recours. Québec a offert une indemnité pour les patients et bonifié le tarif octroyé aux médecins. Les patients, leurs avocats et les ophtalmos sont peut-être sortis gagnants de l'aventure, mais nous avons collectivement perdu une occasion de tirer les choses au clair.

Le prochain code de déontologie des médecins leur interdira de « réclamer des montants disproportionnés » pour les fournitures médicales. C'est un début, mais il faut être plus précis. L'accessibilité des soins ne doit pas être laissée à la merci des médecins et des cliniques. Peu importe jusqu'où ira le recours : Québec doit instaurer des balises très nettes pour le calcul des frais accessoires.

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