Les recommandations que le Groupe de travail sur la médecine d'expertise vient de publier n'apaiseront pas toutes les critiques. Elles constituent néanmoins un premier pas utile pour renforcer la valeur des expertises médicales.

Le rôle des médecins devant les tribunaux est un sujet chaud. La croisade de la Dr Isabelle Gaston, l'ex-conjointe du meurtrier Guy Turcotte, et les opinions controversées émises par des médecins dans d'autres procès, ont attiré l'attention du public sur la manière dont les experts médicaux sont choisis et utilisés dans notre système judiciaire.

Au Collège des médecins, le nombre de plaintes reliées à des expertises médicales a augmenté de plus de 30% depuis deux ans. La plupart, toutefois, ne viennent pas de citoyens choqués par l'issue d'un procès médiatisé, mais de patients directement concernés. La quasi-totalité de ces plaintes découlent en effet de mandats effectués pour le compte d'assureurs privés ou publics, comme la CSST, la Société de l'assurance automobile ou la Commission des lésions professionnelles.

Le rapport du groupe de travail formé conjointement par le Collège et le Barreau laissera les uns et les autres sur leur faim. «Les recommandations qui suivent visent non pas à remettre en question le système judiciaire et administratif en place, mais plutôt à l'améliorer», souligne le document.

On n'y trouve donc pas de proposition radicale pour freiner ce que certains qualifient de «magasinage d'experts», comme l'imposition d'un expert unique ou l'obligation pour la défense de dévoiler le nombre ou le contenu des expertises sollicitées.

L'exercice n'aura cependant pas été vain. Certaines recommandations se traduiront en effet par des mesures permettant de mieux encadrer l'expertise médicale.

Le Collège mettra en place une déclaration de l'expert, où le médecin devra notamment indiquer s'il a fait une revue de la littérature sur le sujet, s'il a favorisé une thèse particulière et comment elle se situe par rapport aux autres écoles de pensée dans son domaine. Pour éviter des expertises déconnectées de la pratique, un médecin en début de carrière devrait avoir exercé sa spécialité durant au moins cinq ans, et celui en fin de carrière ne pas avoir quitté la pratique depuis plus de cinq ans. L'ordre professionnel créera aussi un programme d'inspection spécifique à cette activité, qui effectuera aussi bien des contrôles au hasard qu'auprès de médecins ayant fait l'objet de plaintes.

Ce n'est qu'un début. Le groupe de travail prévoit revenir sur les domaines criminel et pénal l'été prochain. Il faudra aussi voir comment les nouvelles dispositions du Code de procédure civile sur les expertises, qui entreront en vigueur en 2016, changeront la dynamique en cour.

En attendant, le contre-interrogatoire efficace et l'esprit critique des juges demeurent les meilleurs moyens de s'assurer que les témoignages d'expert servent réellement à éclairer, et non à égarer, le tribunal.

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