Plus de 20 ans après le cas Sue Rodriguez, le suicide assisté revient au menu de la Cour suprême la semaine prochaine. Le contexte, toutefois, a beaucoup évolué. Les souffrances intolérables de certains malades en fin de vie sont désormais impossibles à ignorer.

En 1993, le plus haut tribunal du pays avait décidé, par une faible majorité de cinq juges contre quatre, que les dispositions du Code criminel interdisant l'aide au suicide devaient être maintenues.

«On ne peut conclure à l'existence d'un consensus en faveur de la décriminalisation du suicide assisté. S'il se dégage un consensus, c'est celui que la vie humaine doit être respectée», écrivait alors la Cour. Une «interdiction générale de l'aide au suicide (...) semble aussi être la norme au sein des démocraties occidentales», notait-elle également.

En se limitant à une lecture mot à mot du Code criminel, on devrait évidemment admettre qu'il n'y a pas de consensus autour de l'idée que «quiconque» puisse aider «quelqu'un à se donner la mort» - c'est-à-dire que n'importe qui puisse provoquer la mort d'autrui dans n'importe quelles circonstances. Équipé de telles oeillères, on pourrait aussi conclure que l'aide au suicide n'est toujours pas «la norme au sein des démocraties occidentales».

Si on veut s'en tenir à une analyse aussi bêtement mécanique, on peut se passer de la Cour suprême. Un bon algorithme fera l'affaire. Du point de vue social, par contre, il est évident que le contexte a bien changé depuis 20 ans.

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On a vu et entendu assez de cas déchirants pour savoir qu'en interdisant toute forme d'aide médicale à mourir, le Code criminel impose des souffrances inacceptables. Comment une société qui prétend respecter la vie humaine peut-elle condamner des personnes atteintes de maladies dégénératives à des choix cruels comme se suicider avant de ne plus être capable de le faire, ou arrêter de boire et de s'alimenter pour écourter l'agonie? En prohibant toute forme d'aide à la mort, le Code se préoccupe de la survie, et non de la vie. Ce qu'on considère aujourd'hui comme une existence digne de ce nom requiert plus de sensibilité et de discernement.

Signe de cette évolution, on peut désormais citer plusieurs endroits (Belgique, Pays-Bas, Suisse, Oregon, etc.) où l'aide à mourir n'est pas criminelle. Sans oublier la nouvelle loi québécoise qui assimile une telle intervention à un soin, lorsqu'elle est prodiguée par un médecin selon des paramètres bien précis.

Cela dit, même si Québec considère qu'il s'agit d'une question de santé, donc relevant des provinces, il serait étonnant que la Cour suprême leur en reconnaisse l'exclusivité. Elle ne l'a pas fait dans le dossier du centre d'injection supervisée vancouvérois Insite, rappelle le spécialiste du droit constitutionnel Sébastien Grammond. La question, cette fois encore, sera sans doute tranchée en fonction de droits garantis par la Charte canadienne.

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