Cette année encore, le Protecteur du citoyen dresse un inventaire peu glorieux des ratés de la machine gouvernementale. Pire encore que l'attente, plusieurs citoyens sont carrément privés des services auxquels ils ont droit. Une attitude inquiétante à la veille des compressions annoncées par le gouvernement Couillard.

Des remboursements de transport ambulancier et de médicament soumis aux caprices des Centres de santé et de services sociaux (CSSS) locaux. Des indemnités et traitements rognés illégalement par la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST). Des délais et erreurs de la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances (CARRA) qui coûtent des milliers de dollars aux retraités. Des prestations insaisissables saisies par Revenu Québec. Ce n'est qu'un échantillon des abus signalés hier par la protectrice Raymonde Saint-Germain dans son rapport annuel.

Revenu Québec, dont le Protecteur avait déjà dénoncé le zèle carnassier, se distingue encore une fois. D'un côté, l'agence néglige son mandat de recouvrement des pensions alimentaires impayées, privant les familles de revenus vitaux. De l'autre, elle accuse des entreprises à tort et à travers en refusant de considérer leur défense. Ramené à la raison par les interventions du Protecteur, le trésor public a dû renoncer à près de 3,5 millions de dollars de cotisations, mais d'autres cas sont toujours en litige.

L'État québécois est depuis longtemps au bord de la rupture de services. Il n'a pas (a-t-il déjà eu?) les moyens de fournir tous les avantages annoncés dans des délais acceptables. Et les coupes à venir n'arrangeront rien à l'affaire. Il va falloir redoubler de vigilance. Les compressions ne doivent pas servir de prétexte à faire n'importe quoi.

On aimerait s'indigner contre l'incompétence des fonctionnaires, qualifier les gestes dénoncés par le Protecteur d'erreurs impardonnables. Hélas, on n'y croit pas une seconde. On a plutôt l'impression que ces décisions injustes sont le produit d'une culture organisationnelle dénaturée - une culture où l'assuré et le contribuable sont vus comme des fraudeurs en puissance et la clientèle, comme une source de gaspillage. C'est oublier que le demandeur de services est la seule raison d'être de ce système et de ceux qui y travaillent. Et que retenir ou saisir arbitrairement des sommes dues ne devrait pas être considéré comme de la saine gestion, encore moins être récompensé.

«Les interlocuteurs du Protecteur du citoyen dans les services publics sont très souvent sincèrement soucieux du redressement des choses et apportent (...) leur collaboration à cette fin», souligne Mme Saint-Germain dans son rapport. Il est heureux que le bon sens et la décence aient encore leur place dans la culture l'État québécois. On aimerait toutefois qu'ils s'imposent d'entrée de jeu dans les relations avec les citoyens, et non après coup, quand le mal est fait.

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