Comme la Chine dont il est issu, le géant de la vente en ligne Alibaba accumule les superlatifs. Son entrée attendue à la Bourse de New York, demain matin, le forcera à passer en vitesse supérieure.

Dominer le commerce en ligne du pays le plus peuplé au monde a ses avantages. Les sites d'Alibaba Group Holding accaparent 80% des ventes au détail sur l'internet en Chine, et plus de 85% des achats sur plateformes mobiles.

L'entreprise fondée il y a 15 ans a vendu pour presque 300 milliards US de marchandise au cours de son dernier exercice, soit davantage qu'eBay et Amazon réunies. Ses revenus ont bondi de plus de 50% et le potentiel de croissance est énorme. Moins de la moitié des Chinois ont l'internet, et ils ne sont pas encore aussi portés à y magasiner que les Américains. Et la classe moyenne est en pleine expansion. À peine plus de 35% de l'économie chinoise repose sur la consommation, contre 67% aux États-Unis.

L'appétit pour le titre est tel que la fourchette de prix de l'émission a été relevée cette semaine à 66-68$. L'inscription en Bourse sous le symbole BABA pourrait récolter au-delà de 24 milliards. Le record américain en matière de premier appel public à l'épargne, détenu jusqu'ici par Visa (17,9 milliards en 2008), irait donc à une société chinoise - joli pied de nez à la veille du 65e anniversaire de la République populaire de Chine. Alibaba pourrait même battre le record mondial établi par la Banque agricole de Chine en 2010 (22,1 milliards).

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Tout cela est bien beau, mais les marchés ne resteront pas éternellement babas devant la nouvelle venue. Elle sera jugée à ses résultats. Son fondateur, Jack Ma, insiste pour qu'on la considère comme une techno à part entière, et non comme un groupe chinois. Après des percées au Brésil et en Russie, il veut conquérir les États-Unis et l'Europe.

Ce ne sera pas une mince affaire. Alibaba a beau avoir des sites en anglais, et même un site purement américain (11 Main), son nom reste à faire. Or, près de neuf Américains sur 10 ne sont pas au courant de son existence, montre un sondage Ipsos réalisé pour Thomson Reuters. Qu'Alibaba ne vende pas sa propre marchandise (contrairement à Amazon), mais offre celle d'autres marchands (un peu comme eBay) ne change rien à l'affaire. Dans le commerce de détail, marque et réputation sont déterminantes pour l'achalandage.

La réussite d'Alibaba en Chine est impressionnante. C'est ce qui lui permet aujourd'hui d'aller chercher tant de capitaux. Reste à voir si elle saura les mettre à profit, et si elle s'en remettra aux acquisitions et prises de participation pour alimenter sa croissance.

La même question se pose pour Yahoo! , qui va passer à la caisse en réduisant sa participation dans Alibaba. La patronne, Marissa Mayer, multipliera-t-elle les achats coûteux, comme Tumblr l'an dernier? Elle a intérêt à viser juste, car si Yahoo! continue à stagner, l'entreprise sera elle-même gobée par plus ambitieux qu'elle.

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