La réforme du Programme des travailleurs étrangers temporaires (TET) ne fera pas l'affaire de certains employeurs, mais elle est inévitable.

Les TET ont beau ne représenter que 2% de la main-d'oeuvre canadienne, ils ont suscité plus que leur part de controverse. Le programme avait été conçu pour pallier les pénuries de main-d'oeuvre spécialisée. L'élargir aux emplois peu qualifiés a sans doute eu l'air d'une bonne idée au départ: dans certaines régions du pays, à peu près tous les postes sont difficiles à combler.

Cependant, quand on en arrive au point où des entreprises tournent leurs contrats en ridicule ou préfèrent les travailleurs étrangers à la main-d'oeuvre locale, c'est que le modèle est vicié à la base. Le programme a créé des distorsions en maintenant certains salaires artificiellement bas, a reconnu le ministre de l'Emploi Jason Kenney vendredi dernier.

Le secteur de la restauration, qui faisait l'objet d'un moratoire depuis avril, ainsi que l'hébergement, le commerce de détail et d'autres activités, dont l'entretien ménager et l'aménagement paysager, voient le programme se refermer. Dès que le taux de chômage atteint 6% dans une région, ces entreprises n'auront plus droit de faire appel à des étrangers pour occuper ces postes. Et chez celles qui le pourront encore, les TET à rémunération peu élevée ne devront pas dépasser 10% de la main-d'oeuvre. Les frais d'ouverture de dossier ont plus que triplé alors que la durée du permis de travail est réduite de moitié, à un an.

Pour les entreprises qui ont fondé leur modèle d'affaires sur cette main-d'oeuvre docile, c'est un choc. Certaines devront augmenter leurs prix, réduire leur offre, peut-être même disparaître. Mais si le fédéral a quelque chose à se reprocher dans cette affaire, ce n'est pas d'avoir fermé le robinet pour limiter les dégâts. C'est d'avoir trop ouvert les vannes avant.

Avant l'an dernier, les entreprises n'avaient rien à payer pour l'analyse de leur dossier. Elles ont même eu droit, durant un temps, de payer les TET jusqu'à 15% moins cher que le salaire courant. Oui, elles ont d'autres frais. Sauf qu'elles bénéficient en retour d'une main-d'oeuvre captive, qui n'a pas le droit de changer d'employeur, et fortement motivée par le rêve d'immigrer ici.

Dans le secteur des services, la main-d'oeuvre est une composante aussi vitale que l'énergie dans d'autres industries. Sa disponibilité et son coût doivent être pris en compte dans la décision de se lancer en affaires dans une région. Hélas, la dérive du programme des TET a faussé les analyses de nombreux entrepreneurs.

Le retour à la réalité risque d'être brutal. Même avec de meilleurs salaires, il est difficile d'attirer une main-d'oeuvre non qualifiée dans des endroits où le coût de la vie est très élevé. Ce n'est pas seulement le problème des employeurs. Si ces communautés veulent garder une offre commerciale attrayante, elles vont devoir s'organiser pour que ces travailleurs modestes mais indispensables aient accès à des logements abordables.

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