Ce n'était qu'une question de temps avant qu'une tragédie comme celle de L'Isle-Verte se produise. Et si l'on n'améliore pas la sécurité des résidences pour aînés, il y en aura d'autres. Est-ce vraiment ce que nous voulons?

L'enquête nous dira ce qui s'est réellement passé à la Résidence du Havre. Un constat, déjà, s'impose: sortir des personnes très âgées d'un bâtiment en feu au milieu de la nuit est une opération extrêmement difficile à mener rapidement. On le sait depuis longtemps; on a refusé d'en tenir compte.

Les simulations d'évacuation comme celle que Résidence du Havre avait réalisée, et réussie, sont indispensables pour développer de bons réflexes. Gardons-nous, toutefois, d'en tirer un faux sentiment de sécurité.

Ces répétitions ont beau être menées dans des conditions réalistes, avec aussi peu d'employés qu'on en trouve sur place la nuit, reste qu'elles ont lieu en plein jour, avec des résidants éveillés et informés de l'exercice.

Refaire la manoeuvre en pleine nuit, dans un immeuble envahi par la fumée et les flammes, alors que certaines personnes sont confuses et que plusieurs peinent à lever ou à se déplacer, c'est autre chose. Même avec un employé de plus sur les lieux, l'incendie qui a été détecté peu après minuit dans le complexe de 52 logements aurait fait beaucoup de victimes.

Sortir une telle clientèle en quelques minutes est possible, mais loin d'être assuré. Si l'incendie qui a rasé la Villa Sainte-Rose, à Laval l'an dernier, s'était produit la nuit, et non à l'heure du souper, alors que les 79 résidants étaient debout et les préposés plus nombreux, ils ne s'en seraient sans doute pas tous sortis, même avec la remarquable intervention des pompiers. Et si le feu s'était déclaré bien avant 5h30 au foyer Belle Génération, à Saguenay en 2009, il aurait sûrement fait plus de quatre victimes.

À défaut de choisir le moment où un incendie se déclare, on peut augmenter les chances de s'en tirer. En réduisant la distance à franchir pour se mettre à l'abri, avec des balcons munis d'escaliers extérieurs jusqu'au sol, par exemple. Ou en limitant la propagation du feu, afin que les occupants aient plus de temps pour sortir ou, même, n'aient pas à le faire. Les gicleurs ont fait la preuve de leur utilité en la matière. On l'a vu dans des résidences où des fumeurs ont été les seules victimes du feu qui avait pris dans leurs vêtements.

L'Ontario vient d'obliger toutes les maisons de retraite existantes à se munir de gicleurs d'ici cinq ans. Québec ne doit pas se demander si, mais comment, on peut en faire autant chez nous. Plus urgent encore: exiger cet équipement lors de la construction de toute nouvelle résidence. L'Ontario le fait depuis 16 ans. Ici? En deçà de quatre étages, c'est facultatif.

Après des années de déni, la réalité nous a rattrapés à L'Isle-Verte: nos normes ne protègent pas suffisamment les locataires des résidences pour aînés en cas d'incendie. Allons-nous enfin en tirer les conclusions qui s'imposent?

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