Rob Ford n'a peut-être pas harcelé sexuellement une ex-employé comme cela a été rapporté à la police, mais il abuse depuis trop longtemps de la Ville et des citoyens de Toronto.

M. Ford n'est pas le seul maire à s'être accroché à son titre, mais il est le spécimen le plus spectaculaire. La mauvaise foi et l'arrogance exhibées par cet individu sont tellement choquantes pour quiconque valorise l'honnêteté intellectuelle que dans l'effort d'éviter ces travers, on a tendance à tomber dans l'excès inverse. 

Se demander, en évoquant la majorité historique obtenue par Ford en 2010, s'il ne serait pas plus démocratique de lui laisser terminer son mandat, est un souci très noble, mais qui n'a rien à voir avec la réalité des six derniers mois. 

Cet homme-là aurait-il remporté la mairie s'il avait annoncé ses couleurs? S'il avait dit: «Je vais fumer du crack, acheter de la drogue, boire à outrance et conduire quand même. Je vais mentir pour étouffer ces histoires, et m'excuser seulement en dernier recours. Bref, je vais prendre cette fonction en otage et la soumettre à tous les traitements dégradants imaginables.»

Même la Ford Nation n'est pas cynique au point d'appuyer un tel programme. Si plus de 40% des résidants de Scarborough, Etobicoke et North York approuvaient encore la performance du maire après qu'il ait admis avoir fumé le crack, c'était avant la publication des rapports de police dévastateurs de cette semaine.

Devant ce maire impossible à dégommer, les conseillers municipaux ont adopté hier des résolutions pour entraver ses mouvements. Il a perdu le pouvoir de remplacer le maire suppléant et les membres des comités permanents, et le dépouillement pourrait se poursuivre lundi. Une autre résolution cherche à le ramener au rang de simple conseiller en lui retirant la présidence du comité exécutif, le droit de vote aux comités permanents et la quasi-totalité de ses 19 employés.

La Première ministre ontarienne Kathleen Wynne s'est réjouie de voir le conseil municipal fonctionner. De fait, ça lui évite d'avoir à s'en mêler, mais elle doit réaliser que c'est un pis-aller. Il en coûtera, pour reprendre les termes de Ford, «un bras et une jambe» à la Ville pour défendre cette résolution en cour. Sans oublier que le maire, même impuissant, reste le représentant officiel de Toronto. La métropole ne peut pas traîner ce boulet durant 11 mois. 

Le cas est loin d'être simple. Même notre loi 10, qui permet de suspendre un élu, n'aurait aucune prise sur un Rob Ford, qui n'est accusé de rien. Mais il est évident que ses mensonges à répétition et les faits qu'il a reconnus sont incompatibles avec sa fonction. Et que lorsqu'un maire tient des citoyens en otage, un gouvernement provincial ne peut pas se contenter de faire de gros yeux. 

L'Ontario, puisque c'est elle qui est aux prises avec le problème, doit réfléchir à des solutions. Qui sait, le Québec aura peut-être besoin de s'en inspirer un jour.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion