L'imprécision des critères utilisés pour accepter ou refuser l'achat d'entreprises canadiennes par des sociétés étrangères a valu beaucoup de critiques au gouvernement Harper ces dernières années.

Loin de nier cette réalité, le premier ministre a récemment plaidé la nécessité de garder une marge de manoeuvre face aux acheteurs contrôlés par des gouvernements étrangers. Une position qui, si elle a l'avantage d'être franche, ne clora pas le débat de sitôt.

«Je pense qu'une clarté absolue serait insensée de la part du gouvernement canadien. Il est absolument nécessaire, quand l'investisseur est un gouvernement étranger, que le gouvernement du Canada soit capable d'exercer son jugement» a déclaré Stephen Harper vendredi dernier à Toronto, dans un entretien en public avec le doyen de la Ivey Business School.

Ce souci d'éviter que des sociétés d'État étrangères en viennent à exercer un trop grand contrôle sur des pans de l'économie canadienne n'est pas nouveau. M. Harper l'avait clairement exprimé en décembre dernier, lorsqu'il avait finalement autorisé le rachat de Nexen par la Chinoise CNOOC et celui de Progress Energy par la Malaisienne Petronas. À moins de «circonstances exceptionnelles», il ne faut pas s'attendre à d'autres transactions du genre dans les sables bitumineux, avait-il indiqué.

Le premier ministre s'en est tenu aux sociétés d'État vendredi dernier, mais l'évaluation des autres types d'acquéreurs étrangers n'est pas un modèle de prédictibilité non plus. Ottawa donne l'impression, là aussi, d'accorder plus d'importance à sa marge de manoeuvre qu'à la limpidité de ses critères.

Si un certain degré de flou est bien pratique pour bloquer une transaction indésirable, il n'est pas sans conséquence. Empêcher des sociétés canadiennes de passer entre des mains étrangères est peut-être populaire auprès de l'électorat, mais cela peut aussi priver des actionnaires, petits et grands, de gains légitimes. Il faut prendre garde de ne pas envoyer des signaux inutilement dissuasifs, qui priveront le Canada d'investisseurs intéressants. 

On s'interroge encore sur les explications sinueuses données au sujet de l'offre de BHP sur Potash Corp. On peut aussi se poser des questions sur les raisons de «sécurité nationale» - utilisées pour rejeter la vente de la société de télécom Allstream à une entreprise contrôlée par un investisseur égyptien, et qui auraient servi à éloigner la Chinoise Lenovo de BlackBerry. Excuse commode ou risque réel? Ottawa étant encore plus avare de commentaires quand il évoque ce motif, on ne le saura pas.

S'il est évident qu'un gouvernement doit disposer d'une certaine marge de manoeuvre face aux intérêts étrangers, il faut aussi s'assurer qu'il ne s'en sert pas pour prendre des décisions contraires à l'intérêt des Canadiens, en bloquant l'arrivée d'entreprises qui auraient un effet bénéfique sur la concurrence, l'innovation ou la productivité d'un secteur.

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