Les opinions affichées sur TripAdvisor ou d'autres sites internet ont leur utilité, mais consommateurs et commerçants doivent apprendre à les relativiser.

Un hôtelier peut-il forcer un client à effacer un commentaire dans lequel il se plaint d'avoir trouvé des punaises dans son lit? La poursuite déposée récemment par l'Hôtel Québec contre un client montréalais sera intéressante à suivre, car à notre connaissance, il s'agit d'une première au Québec. Cela dit, c'est loin d'être le seul exemple du genre.

Des entreprises qui se disent propriétaires des droits d'auteur de leurs clients pour pouvoir faire disparaître leurs commentaires; un restaurateur victime d'une critique négative pour un établissement pas encore ouvert, et un autre qui accuse un site d'éliminer des commentaires qui lui sont favorables; un portail automobile qui poursuit une entreprise pour l'avoir inondée d'opinions fabriquées de toutes pièces; des commentaires sur un restaurant n'ayant jamais existé...

La popularité des avis en ligne donne lieu à toutes sortes de situations qu'on ne voyait pas lorsque les clients se bornaient à transmettre leurs commentaires directement à l'établissement et que les médias étaient les seuls à publier des critiques. 

Au rythme où vont les choses, jusqu'à 15% des avis en ligne pourraient être faux, prévient la firme Gartner. Entre les «J'aime» vendus en paquets de 1000 et les individus qui se font payer pour écrire des commentaires positifs, les entreprises qui veulent doper leur image en ligne ont l'embarras du choix. Mais les faussetés ne sont pas toutes flatteuses. Des hôteliers indépendants auraient tendance à inventer des opinions négatives sur les concurrents situés à proximité, avance une recherche publiée l'an dernier aux États-Unis. 

Bref, on a intérêt à ne pas prendre les commentaires publiés sur le web au pied de la lettre. C'est ce que font déjà les consommateurs éclairés. Ceux-là ne croient pas aveuglément toutes les évaluations qu'ils lisent et même quand les commentaires paraissent authentiques, ils s'interrogent. L'auteur a-t-il les mêmes goûts et les mêmes priorités qu'eux? Sait-il de quoi il parle? Les consommateurs avertis, et ils sont nombreux, savent faire la part des choses. 

Il sera donc intéressant de voir comment la cour supérieure évaluera la requête de l'Hôtel Québec, d'autant que l'établissement réclame aussi 85 000$ de dommages. Les juges américains ont reconnu une certaine immunité aux sites qui accueillent des commentaires de consommateurs, et souvent considéré ces opinions comme relevant de la liberté d'expression. 

Le système de veille que l'Association des hôteliers du Québec offrira sous peu à ses membres pourrait donc s'avérer bien plus utile que les tribunaux. Ce service sur abonnement permettra aux établissements de savoir ce qui se dit à leur sujet sur les réseaux sociaux, et d'y répondre rapidement. Une intervention intelligente du commerçant sur le site où se trouve la critique peut faire beaucoup pour en atténuer l'impression négative. Ce n'est peut-être pas aussi satisfaisant qu'une poursuite, mais c'est moins cher et ça évite de donner une visibilité plus grande aux commentaires dérangeants.

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