Détroit vient d'avoir la confirmation qu'elle peut aller de l'avant avec sa procédure de faillite. Le geste est spectaculaire, mais ses bénéfices seront bien moindres que dans l'industrie automobile.

L'histoire est parfois d'une ironie grinçante. Détroit a reçu le premier feu vert à sa mise en la faillite mercredi... à la date anniversaire de sa fondation. La démarche a priorité sur les tribunaux du Michigan auxquels employés et retraités municipaux s'étaient adressés, a confirmé un juge fédéral. La Ville doit encore démontrer qu'elle est admissible au fameux chapitre 9. Ce n'est pas automatique (Harrisburg a essuyé un refus en 2011), mais avec 18 milliards de dollars de dettes et des revenus fonciers en chute libre, Détroit ne devrait pas avoir trop de mal à prouver son incapacité à faire face à ses obligations.

La plus grosse faillite municipale de l'histoire américaine rend bien du monde nerveux. La qualifier de précédent serait toutefois prématuré. Oui, beaucoup d'autres villes sont aux prises avec des régimes de retraite lourdement déficitaires. Sauf que le chapitre 9 n'est pas une formule magique. Pour les élus, c'est aussi attrayant qu'un arrêt de mort puisqu'ils perdent tout pouvoir. Et surtout, la municipalité doit prouver qu'elle n'a plus les moyens de fonctionner, alors que ces créatures sont présumées pouvoir toujours taxer davantage.

Bref, même si les syndicats et les détenteurs d'obligations municipales dorment un peu moins bien ces jours-ci, il n'y a pas d'effet domino à craindre pour l'instant. Hélas, les effets positifs s'annoncent également limités.

Cinq ans après leur restructuration-choc, les trois grands de l'automobile sont de nouveau rentables et leurs ventes américaines explosent. Ça ne sera pas aussi facile pour Détroit. Le processus lui permettra d'alléger sa dette, mais elle n'en sortira pas métamorphosée pour autant.

GM, Chrysler et Ford (qui n'a pas fait faillite) n'ont pas seulement pris des arrangements avec leurs créanciers et réduit leurs obligations envers leur main-d'oeuvre et leurs retraités. Ils ont profité de l'état d'urgence pour éliminer des marques, fermer des usines, réduire le nombre de concessionnaires et revoir toutes sortes d'ententes.

Détroit ne peut malheureusement pas faire un tel ménage. Développé en fonction d'une population de 2 millions d'habitants, son territoire de 360 km carrés est parsemé de zones sinistrées. Concentrer ses ressources dans certains quartiers lui permettrait de les revitaliser. Mais comme la Ville ne peut pas forcer des résidants à déménager (elle a bien essayé!), ce repli stratégique est impossible.

Détroit est condamnée à garder beaucoup trop d'employés et d'infrastructures pour une municipalité de 700 000 habitants, sans pouvoir offrir un niveau de service et de sécurité décent. Comment attirer de nouveaux contribuables dans ces conditions? C'est un cul-de-sac dont la ville de l'automobile aura bien du mal à sortir.

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