Autoriser la consommation d'alcool dans les aires de jeu n'augmentera pas beaucoup les revenus des casinos, mais risque d'aggraver les problèmes des joueurs compulsifs. Le gouvernement Marois devrait faire une croix là-dessus.

Le Québec est le seul endroit en Amérique du Nord où il est interdit de jouer tout en consommant de l'alcool au casino. Et à en juger par les témoignages entendus au cours des dernières semaines, ce n'est pas plus mal.

Les clients voudraient pouvoir prendre un verre en jouant, et beaucoup de Québécois vont dépenser leur argent dans des casinos de l'extérieur de la province, a témoigné Loto-Québec en commission parlementaire. C'est juste, mais rien ne dit qu'en permettant ceci, on fera revenir ceux-là. Ce changement pourrait toutefois avoir des effets désastreux sur les clients actuels qui sont sujets à des problèmes de jeu.

Les trois quarts de la clientèle des casinos québécois proviennent de la province. On estime par ailleurs que 0,7% des adultes québécois sont des joueurs pathologiques, et 1,3% des joueurs à risque. C'est peu, mais c'est tout de même plus de 120 000 personnes. Or l'alcool, dont l'effet désinhibant est bien connu, peut augmenter la prise de risque et la perte de contrôle chez les joueurs compulsifs. 

Certes, on peut déjà boire dans les casinos, mais l'obligation de quitter sa machine ou sa table de jeu pour se procurer une consommation crée une pause salutaire, témoignent les centres d'aide.

Ce n'est pas pour rien que les directeurs de santé publique de Montréal, de la région de Québec et de la province s'opposent à ce changement de règlement, tout comme la Commission de la santé et des services sociaux. La position de la Commission est divisée, mais elle a reçu l'appui unanime des deux principales formations d'opposition - y compris du Parti libéral, qui avait pourtant appuyé la modernisation des casinos.

La consommation d'alcool dans les aires de jeu s'inscrit en effet dans une stratégie beaucoup plus large. Loto-Québec a investi 305 millions en rénovations au casino de Montréal et 50 millions à celui de Gatineau, installé un système de machines à sous multimédia dans Charlevoix et ajouté des salles de banquets à Tremblant. C'est là-dessus qu'elle compte pour générer l'essentiel des 50 millions de dividendes additionnels réclamés par Québec.

Sur les quarante millions qui proviendront des casinos, «quelques millions peut-être» sont liés à la consommation d'alcool dans les aires de jeu, confirme Loto-Québec. Quelques millions à quel prix? On estime que les problèmes de jeu d'un individu affectent 10 personnes dans son entourage.

Vingt ans après l'ouverture du casino de Montréal, voilà qu'on envisage d'y faciliter la consommation d'alcool pour renflouer les coffres de l'État. Le Québec est devenu complètement accro aux revenus des jeux de hasard. Et au lieu de réduire cette dépendance, on en redemande. Il est temps d'y voir.

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