Les nouvelles règles sur la marijuana à des fins médicales rassurent le gouvernement Harper, mais elles risquent d'empoisonner la vie de bien des malades.

Le cadre qui entrera progressivement en vigueur à compter de mercredi prochain changera complètement la façon dont les patients auront accès, ou non, au cannabis médical. À commencer par la responsabilité de cet accès, qui passera de Santé Canada aux médecins. 

Le hic, c'est que cette responsabilité, tous les collèges de médecins du pays la rejettent, car la marijuana n'a rien à voir avec les autres médicaments qu'ils prescrivent. Non seulement le produit n'est pas approuvé par Santé Canada (il est même illégal!), mais les données scientifiques pour guider les dosages sont inexistantes.

Le système actuel, où le médecin se limite à confirmer le diagnostic qui est soumis à Santé Canada, est plus cohérent avec la pratique médicale.

Combien de médecins feront fi de leur ordre professionnel, et accepteront de rédiger des ordonnances de cannabis? S'ils ne sont pas assez nombreux, les utilisateurs actuels, et les malades intéressés, se retrouveront devant un choix cruel: s'en passer, ou s'en procurer illégalement.

L'interdiction faite aux particuliers de cultiver de la marijuana à des fins médicales pèsera aussi sur les malades qui le font pour des raisons budgétaires. En effet, les producteurs agréés, auprès desquels tous les patients seront obligés de s'approvisionner après le 31 mars, factureront les prix qu'ils veulent. Là encore, des malades pourraient devoir se tourner vers le marché noir pour trouver du cannabis à un coût qu'ils peuvent se permettre d'assumer.

Pour un gouvernement inquiet des effets indésirables du programme, c'est d'une ironie grinçante. Plus de 30 000 Canadiens détiennent une autorisation à des fins médicales. Il semble que certains, notamment en Colombie-Britannique, l'utilisent à des fins illicites. Sauf qu'ils sont tous fichés à Santé Canada: il serait facile de vérifier si leur production excède leurs besoins, et de sévir le cas échéant. Au lieu d'arracher ces mauvaises herbes, Ottawa interdit le jardinage à tout le monde. C'est excessif, et injuste. 

On s'étonne d'ailleurs que ce gouvernement qui dit vouloir traiter la marijuana «le plus possible comme les autres narcotiques utilisés à des fins médicales» ne se donne pas les moyens de le faire. Si l'on veut traiter le cannabis comme n'importe quel médicament, il faut disposer du même type d'études. Et en l'absence d'intérêt des pharmas, il faudrait les financer avec des fonds publics. Pourtant, Ottawa n'a aucun programme de recherche en ce sens.

Loin d'être la «solution complète» annoncée, ce nouveau règlement sur la marijuana médicale risque au contraire de créer plus de problèmes qu'il n'en résout. Y compris pour le gouvernement Harper, qui se le fera certainement remettre sur le nez avant que toutes ses dispositions ne s'appliquent, le 1er avril prochain.

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