L'acquisition du transformateur de porc américain Smithfield Foods par la société Shuanghui marque une nouvelle ère dans l'expansion chinoise. La deuxième économie au monde n'a pas seulement besoin de ressources naturelles et de technologies, mais aussi de nourrir sa population.

Shuanghui, le plus gros transformateur de viande chinois, achète Smithfield, le numéro un mondial du porc pour 4,7 milliards de dollars américains. L'entente annoncée mercredi a été approuvée à l'unanimité par les deux conseils d'administration. Si les autorités américaines en font autant, ce sera la plus importante acquisition chinoise jamais réalisée aux États-Unis.

À première vue, la production de quadrupèdes roses à queue tirebouchonnée ne devrait pas être jugée trop stratégique - beaucoup moins que celle de pétrole (Unocal) ou d'équipements de réseau (3Com). La transaction risque néanmoins de susciter plus de résistance que l'achat des cinémas AMC par le groupe Dalian Wanda l'an dernier.

Bien des inquiétudes pourraient faire surface durant l'examen du Committee on Foreign Investment in the United States. Attachés à leur bacon et à leurs côtes levées, les Américains n'apprécieront pas que leur plus gros fournisseur de porc tombe aux mains d'une entreprise qui, il y a à peine deux ans, a traumatisé les Chinois avec sa viande contaminée au clenbuterol. Shuanghui a beau dire qu'elle ne veut rien changer chez Smithfield et qu'elle recherche son expertise, ça ne passera pas comme du beurre dans la poêle.

L'énorme empreinte de Smithfield, un intégrateur complet de la génétique à la saucisse, pourrait s'avérer encore plus problématique. Sa filiale Murphy-Brown possède près de 500 porcheries et fait travailler 2100 fermes familiales à contrat dans 12 États - ce qui en fait aussi un gros acheteur de moulée et de médicaments.

Qu'un géant chinois prenne une telle emprise sur l'agriculture ne plaira pas à tout le monde aux États-Unis. Certaines de ses terres pourraient d'ailleurs être trop proches d'espaces aériens stratégiques - le motif évoqué l'an dernier pour empêcher la chinoise Ralls d'acquérir des parcs éoliens en Oregon.

Si la transaction se fait, par contre, la Caisse de dépôt réalisera un joli profit puisqu'elle détenait 3,6 millions d'actions de Smithfield au 31 mars. Elle ne veut pas dire combien il lui en reste, mais elle regrette sans doute d'avoir vendu 28% de sa participation au dernier trimestre, à un prix bien inférieur au 34$ offerts par Shuanghui.

Chose certaine, une Smithfield dopée aux capitaux chinois sera une concurrente encore plus redoutable sur les marchés asiatiques. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour les producteurs de porc d'ici, mais il faut se faire à l'idée. Les Chinois ont du bacon, comme on dit chez nous, et ils entendent le dépenser.

L'achat de Smithfield est leur première incursion majeure dans l'agroalimentaire et, qu'elle passe ou qu'elle casse, ce ne sera pas la dernière.

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