En refusant de répondre aux questions au sujet d'une vidéo qui le montrerait en train de fumer du crack avec des vendeurs de drogue, le maire de Toronto donne raison à tous ceux qui considèrent qu'il n'est plus apte à diriger la plus importante ville au pays.

L'affaire est grave et dépasse la simple rumeur. Des représentants de deux médias ont visionné la scène, qui aurait été captée dans les 6 derniers mois avec un cellulaire. Il n'y a pas 36 scénarios possibles. Ou bien cette vidéo est un faux, ou bien elle est authentique.

Ce serait évidemment plus facile si les images pouvaient être analysées. Malheureusement, seuls deux journalistes du Toronto Star et l'éditeur du site américain Gawker ont pu les voir. Celui qui les leur a montrées tente de les monnayer à gros prix. L'histoire est rocambolesque, mais rien ne permet de douter de la bonne foi des reporters.

Si cette vidéo est truquée, Rob Ford ne devrait avoir aucune réticence à l'affirmer et à répondre aux questions des médias. Au lieu de cela, il s'est borné à qualifier les allégations de ridicules et écorchant le Star au passage. C'était vendredi dernier. Depuis, silence radio. «Je n'ai jamais vu mon frère impliqué avec quoi que ce soit comme de la coke», s'est contenté d'ajouter le conseiller Doug Ford dimanche.

Au moment d'écrire ces lignes, c'est tout ce que le maire et son entourage ont daigné indiquer aux Torontois. On peut difficilement imaginer pire comme gestion de crise. N'importe quel élu ciblé par une telle vidéo se défendrait vigoureusement et sans détour. Que le maire de la plus importante ville canadienne ne comprenne pas la nécessité de le faire témoigne d'un manque de jugement incompatible avec son titre.

Une telle réaction ne surprend pas de la part de Rob Ford, un politicien bardé d'une épaisse couche de teflon et apparemment dépourvu de sens commun. La crise actuelle est cependant bien pire que toutes les controverses auxquelles il a été mêlé jusqu'ici. En plus de consommer une substance illicite, le maire se serait mis à la merci de représentants du monde interlope. Ce n'est pas seulement indigne de ses fonctions, c'est un danger pour l'administration municipale.

Si, au contraire, c'est bien lui qui a été filmé, son silence ne fait que repousser l'inévitable. À la limite, il pourrait tout avouer, aller en désintox et se représenter aux prochaines élections - à charge pour les Torontois de décider s'ils veulent lui confier un nouveau mandat. Mais rester? Même s'il s'avérait que les lois ontariennes ne permettent pas de le démettre, c'est inconcevable.

Le maire Ford fait face à une crise de confiance sans précédent qu'il a aggravée par son mutisme. Lui seul peut y mettre un terme, à condition de jouer franc-jeu. Son refus de le faire depuis plus de 4 jours est, en soi, une démission de ses responsabilités. Il lui sera désormais bien difficile de ne pas donner l'autre démission que lui réclament ses adversaires.

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