Les antibiotiques sont indispensables pour l'espèce humaine, et il ne faut rien négliger pour en préserver l'efficacité. Il est donc heureux que Santé Canada se décide enfin à en décourager l'usage comme stimulant de la croissance animale.

Facteurs de croissance: c'est ainsi qu'on désigne l'emploi d'antibiotiques pour favoriser l'engraissement des animaux d'élevage. Une pratique critiquée, car elle accroit inutilement la consommation de ce type de médicaments, ce qui favorise le développement de bactéries résistantes. C'est ce qui a convaincu l'Union européenne d'interdire l'usage des antibiotiques comme facteurs de croissance en 2006. En Amérique du Nord? On attend toujours.

Santé Canada vient cependant de faire un pas dans la bonne direction, révélait notre collègue Marie Allard vendredi. Un pas timide, puisqu'on n'envisage pas d'interdit absolu, qu'on n'a pas encore d'échéancier et qu'on entend procède graduellement. Le développement est néanmoins significatif, et mérite d'être encouragé. 

Ce qu'Ottawa veut interdire, ce sont les allégations liées à la stimulation de la croissance, afin que l'utilisation «non nécessaire et imprudente de ces médicaments» diminue chez les animaux. On n'y est pas encore, loin de là. Mais l'apparition du terme «interdire» dans ce dossier montre que Santé Canada a enfin pris conscience du risque inutile que cette pratique fait subir à la population.

L'essor des bactéries résistantes est un phénomène inquiétant qu'on ne peut se permettre d'ignorer. Tout le monde doit contribuer à réduire la consommation inutile d'antimicrobiens. Il reste encore beaucoup de travail à faire en santé humaine, mais au moins, la prise de conscience est amorcée et des efforts sont faits en ce sens. 

L'élevage d'animaux destinés à la consommation, qui utilise beaucoup d'antibiotiques, doit aussi faire sa part. À commencer par l'usage à titre de facteur de croissance qui, comme le montre l'exemple de l'Union européenne, n'est pas indispensable. S'en passer demande évidemment un effort aux éleveurs, puisque la méthode est pratique et rentable. L'expérience du Danemark, qui l'a banni dès 2000, confirme toutefois que l'obstacle est loin d'être insurmontable. Les producteurs de porcs danois ont éprouvé certains problèmes sanitaires, mais ils ont trouvé d'autres façons d'y remédier que les antimicrobiens. Et ils réussissent encore à exporter la quasi-totalité de leur production.

Les antibiotiques destinés à favoriser l'engraissement sont administrés à doses beaucoup plus légères que lorsqu'il s'agit de traiter une maladie. La fonction «facteur de croissance» génère beaucoup de prescriptions, mais elle représente seulement 5% du volume total d'antimicrobiens consommés par les animaux. C'est bien peu. Le changement proposé est donc assez modeste. Il n'y a aucune raison de le retarder davantage.

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